Synopsis
?Plus jamais peur est un documentaire d’actualités. Tourné pendant le mois de janvier 2011, il suit les débuts de la révolution tunisienne, élément déclencheur du printemps arabe. Tout part d’un drame qui s’est déroulé à Sidi Bouzid, le 16 décembre 2010 : un jeune marchand de fruits s’immole suite à la saisie de sa marchandise. Dans un grand mouvement d’empathie et de colère, les manifestations se succèdent, de plus en plus violentes, jusqu’au départ du dictateur Ben Ali le 14 janvier 2011. Mourad Ben Cheikh s’est improvisé reporter de ces événements, caméra à l’épaule, suivant les manifestations, les groupes de discussions, interviewant différents acteurs du mouvement, de la jeune blogueuse activiste au couple d’enseignants qui livre ses souvenirs sur trente ans de régime autoritaire, revenant sur la censure, les arrestations et les tortures des opposants. Si la rapidité, la spontanéité et le manque de moyens du tournage rendent stériles les critiques sur la facture technique du film (aucun travail n’est fait sur le cadre, la lumière ou le son), sa construction laisse grandement à désirer : faute de fil conducteur, il se résume vite à un simple montage alterné entre des images de manifestations et les interviews des trop rares intervenants, dont les propos désordonnés n’éclairent que faiblement la situation. Les documents d’archives, ainsi que les explications historiques, sont livrés au compte-goutte, et on reste frustré face aux images d’une révolution dont on ne comprend pas assez la genèse. Car Plus jamais peur n’est rien d’autre qu’un montage d’images documentaires : le passage du témoignage au discours, de l’observation passive à la démarche active, n’a jamais lieu. Cependant, même si son originalité et sa pertinence sont discutables, le film a une valeur en tant que reportage. Il aurait donc dû être présenté comme tel. Or, le fait que l’on veuille le faire passer pour autre chose - en le présentant à Cannes (ce qui a sans doute influé sur sa forme, et précipité sa finalisation), et en le diffusant en salles - crée une attente forcément déçue. Filmer un collage de photos censé résumer, après-coup, l’ensemble des événements, ou nous révéler, à la fin, la maladie de la jeune blogueuse, participent d’une tentative de construction esthétique et fictionnelle a posteriori, qui semble artificielle et hors de propos. Plus jamais peur devrait être une archive consultable sur Internet, au même titre que les vidéos qui ont participé à la propagation du mouvement. Car, comme le rappelle l’un des intervenants, cette révolution (qui est "le cri de désespoir d’une génération diplômée", et non la "révolution du pain") a été rendue possible grâce à la diffusion, via Facebook, des vidéos du drame de Sidi Bouzid. Le rôle majeur joué par le web est une première et relance plus que jamais le fameux débat sur le pouvoir des images, et sur les conséquences de leur libre circulation. Le cinéma documentaire, quant à lui, peut (et doit, s’il entend toucher le spectateur), en être plus que le simple relais.
© LES FICHES DU CINEMA 2011
