Synopsis
"Comme le livre à succès dont il est l’adaptation, ce documentaire cherche à démontrer que les êtres humains, considérés par nombre d’économistes comme des sujets rationnels, se comportent en réalité de façon impulsive, ne faisant qu’obéir aux incitations. Pour cela, il tente de répondre à des questions en apparence saugrenues. Les choix des parents ont-ils vraiment une incidence sur l’avenir de leurs enfants ? Par exemple, ceux concernant le prénom : deux frères, prénommés Winner et Loser, ont-ils les mêmes chances de réussir dans la vie ? Un prénom afro-américain est-il un handicap ? Pourquoi certains professeurs surnotent-ils les résultats des tests de leurs élèves ? Pourquoi les agents immobiliers vendent-ils plus cher leur propre appartement que ceux de leurs clients ? On apprend ainsi que celui dont le prénom indique qu’il
vient d’un milieu populaire, voire défavorisé, mettra beaucoup plus de temps à obtenir un travail : il rencontrera même d’énormes difficultés pour décrocher un simple entretien d’embauche s’il s’appelle Jamal ou Shanice plutôt que Jake ou Katie. Si l’on transfère les données du film, qui ne concernent que les États-Unis, en France, on peut dire que Bernard ou Juliette trouveront un emploi plus facilement que Karim ou Jasmina. Autre problématique abordée : l’incidence de l’avortement sur la criminalité. L’économiste Steven D. Levitt et le journaliste Stephen J. Dubner, qui ont écrit le livre éponyme, ont décrit la corrélation liant la baisse de la criminalité et la légalisation de l’avortement. Quand ce dernier est interdit, entend démontrer le film, une part importante des bébés non désirés aura une vie chaotique et enfreindra la loi. Les saynètes illustrant tant bien que mal les thèses de Freakonomics (qui s’appuient sur des enquêtes dont il est difficile d’évaluer le sérieux), avec leurs personnages lisses, univoques et leur ton naïf - le commentateur semblant à chaque instant découvrir la lune -, ne font que renforcer, en fin de compte, l’impression que les deux auteurs et les six réalisateurs enfoncent des portes ouvertes. Les techniques de la communication audiovisuelle, à l’oeuvre dans les films d’entreprise, certaines publicités ou les démonstrations d’outils de bricolage, réduisent les propos à n’être que des slogans. Le style léché des images, le jeu emprunté des acteurs, le montage, castrateur à force de vouloir sans cesse stimuler l’attention du spectateur, provoquent le naufrage d’un travail sociologique en attente d’un vrai documentariste pour le mettre en valeur. Pour répondre à des questions du type "L’exploitation et la discrimination sociales, comment ça marche ?", conseillons plutôt de voir ou revoir, par exemple, l’oeuvre de Frederick Wiseman, qui évite les interviews, les commentaires off et les musiques additionnelles, qui prend le temps de créer une relation de confiance avec les personnes filmées, qui privilégie une beauté formelle moins académique et moins volontiers portée sur l’émotion, et qui n’a pas peur de garder au montage les silences, ayant compris qu’ils sont souvent plus parlants que des explications. "
© LES FICHES DU CINEMA 2012
