Synopsis
Le grand Werner Herzog semble, ces dernières années, avoir fait de son imprévisibilité le moteur de sa créativité. Ainsi, après son remake improbable et réussi d’un film culte du cinéma indépendant américain (Bad Lieutenant), le voici qui nous revient avec un documentaire tourné en France et sur un sujet qui pourrait plutôt être celui d’un film institutionnel. En effet, La Grotte des rêves perdus a pour but de nous permettre de pénétrer dans une grotte où ont été découvertes les plus vieilles peintures rupestres du monde (elles datent de plus de 30 000 ans) ; et qui a été fermée au public pour protéger ces trésors. Le film propose, en premier lieu, une visite guidée de la grotte. Cette visite s’avère être un challenge technique, dont on peut imaginer qu’il a stimulé l’aventurier Herzog. L’espace étant, bien entendu, très réduit, toute l’équipe se doit de suivre un chemin prévu pour éviter que soit profanée l’intégrité de la grotte. Malgré ces contraintes, Herzog profite de l’occasion pour s’essayer à la prise de vue en 3D. Et le résultat se révèle non seulement convaincant, mais finalement bien plus impressionnant que tout ce qu’ont pu proposer les récents blockbusters hollywoodiens. Les premières images, notamment, sont capables de donner le vertige et retranscrivent parfaitement l’expérience que peut constituer l’entrée dans ce lieu unique. Cet aspect purement visuel et presque expérimental est accompagné d’une partie plus pédagogique, dans laquelle divers scientifiques parlent de la grotte. Ils en expliquent l’intérêt strictement historique, mais évoquent également les impressions produites par l’endroit ; impressions dont la force a pu modifier en profondeur leur regard sur le monde. Cette partie peut être aussi bien perçue comme fastidieuse ou comme fascinante, selon les points de vue et l’intérêt que l’on éprouve (ou pas) pour l’art primitif. En effet, sous cet angle, le film ressemble peut-être parfois trop à un documentaire pédagogique, bien réalisé mais peu personnel. Il est vrai qu’Herzog semble aborder le documentaire avec une étonnante humilité, en s’effaçant derrière son sujet et ses intervenants. Cependant, par moments la patte du cinéaste revient tout de même, avec discrétion, s’imprimer au film, notamment dans l’absurdité comique de certaines situations (tel ce scientifique tentant laborieusement de faire une démonstration de chasse). Par ailleurs, l’étude de la grotte ouvre des perspectives presque mystiques, et c’est sans doute là qu’Herzog se retrouve le plus. Certains propos des intervenants lancent le film sur cette piste, qui finit par en dominer entièrement le postscript. Herzog filme alors une centrale nucléaire, un microclimat et des alligators mutants (rappelant les hallucinations de son Bad Lieutenant). Derrière l’apparence du documentaire lisse et impersonnel, la folie du cinéaste, son univers trouble, resurgissent alors, et, le temps d’un dernier plan assez dérangeant, se rappellent au bon souvenir du spectateur.
© LES FICHES DU CINEMA 2011