Synopsis
Ça commence comme un "film de révolution arabe" dans lequel on filme tout ce qu’on voit (surtout des ruines) sans utiliser le stabilisateur d’image ou un pied de caméra. Ça continue comme un mauvais documentaire, où l’on filme tout ce qu’on voit (des ruines, donc, des enfants qui jouent à la guerre, une bande de potes en train de siroter des bières ou de brûler des Barbies sur la plage...) en se contentant du micro de la caméra. Ça se termine comme un exercice d’étudiant, avec un travelling, caméra à l’épaule, appuyé par une musique de Wagner. De temps en temps, le réalisateur pose sa caméra et se filme dans la montagne, avec un obus dans les bras. Il s’écoute parler aussi, dans la peau d’un kamikaze (du moins c’est ce que l’on suppose), qui se plaint de vivre dans un pays où il y a souvent des guerres et où les jeunes sont tous au chômage et dépressifs. Tout cela mis bout à bout donne un film qui bouillonne, d’une colère peut-être saine, d’intentions sans doute bonnes. Mais, malgré les maigres efforts déployés par le cinéaste, ce travail reste à l’état de brouillon, se contentant d’empiler des images majoritairement sans intérêt, sans étalonnage, et reliées les unes aux autres sans qu’aucune réflexion sur le montage soit perceptible. Lent à démarrer, le récit, ni sensationnel ni sensible, peine à porter le propos du réalisateur. L’état des lieux déçoit par une absence systématique de rigueur. Sans doute Christophe Karabache a-t-il conçu ses plans comme le reflet des errances de son personnage, mais à l’écran c’est surtout le fouillis qui domine, lorsqu’alternent sans logique immédiate des plans sur Beyrouth en ruines, d’autres sur des voitures qui roulent, et des scènes dans lesquelles le cadreur interpelle des personnes pour leur faire raconter quelque chose : ici c’est un vieil homme sur sa chaise qui se plaint de la chaleur et voudrait être au bord de la mer, là un groupe d’enfants qui refuse d’être filmé, plus loin encore une jeune femme outrageusement maquillée et court vêtue qui nous explique qu’elle attend le mariage pour faire l’amour. Parfois aussi le réalisateur-acteur-cadreur (etc.) joue avec les boutons de sa caméra, pour filmer de nuit par exemple : comme ressort dramatique, on a vu mieux ! Enfin, le climax du film sera la découverte d’un mouton mort... Les intentions de Beirut Kamikaze sont donc peu claires, même si on comprend que le personnage fustige la diablesse société de consommation (celle qui oblige les jeunes à fumer des pétards sur la plage et les filles à se maquiller comme des voitures volées). Car la forme entretient la confusion en accumulant maladresses, que ce soit lorsque le film privilégie la voix off ou lorsqu’il s’appesantit sur le massacre de Ken et Barbie, victimes innocentes de la barbarie de deux jeunes femmes qui s’ennuient (il doit y avoir un symbole...). Tout ça pour quoi ?
© LES FICHES DU CINEMA 2011