Synopsis
?Fin d’hiver à Big Timber, Montana. D’immenses troupeaux de brebis paissent tranquillement dans la plaine encore enneigée, où l’herbe rare est complétée par quelques friandises au sel. Puis vient la tonte de leur épaisse laine, sans laquelle elles semblent grelotter, avant qu’elle ne repousse assez vite. Le printemps ramène le temps des agnelages. Les hommes et les femmes, avec un soin tout à la fois professionnel et attendrissant, s’affairent à aider les brebis et les agneaux nouveaux-nés. À l’été 2003, des milliers de moutons, leurs éleveurs et les bergers qui les garderont là-haut, dans les monts Beartooth, entament, à travers 300 km de plaines et de forêts, ce qui sera la dernière transhumance aux États-Unis. La progression du troupeau est émaillée de passages délicats, où risquent de se blesser et de se perdre les bêtes. Après plusieurs jours, les éleveurs redescendent en ville, à cheval, tandis que les bergers, eux aussi à cheval, grimpent vers les pâturages de haute altitude où ils passeront l’été, seuls avec les moutons. Mulets de bât et chiens les accompagnent. Durant ces deux mois d’été, le vieux John et le jeune Lawrence devront faire face à la menace des loups et des ours, toujours prêts à égorger une brebis égarée, au souci constant de garder les troupeaux rassemblés et à une solitude plus ou moins bien supportée. Si John parle aux bêtes avec une étonnante douceur, il n’en est pas de même pour Lawrence, qui craque et insulte chien, cheval et brebis ! Finalement rien de tragique n’adviendra. Bergers et troupeaux redescendront dans la plaine pour la dernière fois. Mari et femme dans la vie, Lucien Castaing-Taylor et Ilisa Barbash, documentaristes confirmés, sont des passionnés d’ethnologie et de tradition. Ils se sont installés au sein de cette communauté d’éleveurs du Montana, descendants d’immigrés scandinaves, et ont vécu la réalisation de ce film, étalée sur une dizaine d’années, comme une aventure familiale, avec leurs enfants. Compte tenu des dangers, c’est Lucien qui a suivi seul la transhumance tandis qu’Ilisa filmait d’autres scènes dans la plaine. À partir des 200 heures de rushes qu’ils ont collectées, ils nous offrent, grâce à un montage exemplaire, une épopée magnifique, qui doit aux plus prestigieux westerns, où se mêlent rudesse et tendresse, sauvagerie et douceur, fragilité des hommes et grandeur des paysages. Comme dans les westerns encore, l’immersion dans une nature somptueuse et âpre révèle les forces et les failles des caractères. L’attention des fermiers envers leurs brebis et les portraits contrastés des deux bergers, avec lesquels Lucien, profondément transformé par cette expérience, a passé l’été, donne une dimension humaine rare à cet extraordinaire documentaire, "écrit" comme une fiction, où humour, aventure et philosophie se côtoient en toute fluidité. Un film qui décrit la fin d’un monde sans tomber dans le passéisme, et laisse l’image, saisissante, parler pour elle sans l’alourdir d’un commentaire.
© LES FICHES DU CINEMA 2011
Réalisateur