Synopsis
Ce travail d’une documentariste russe est à l’évidence, tant sur la forme que sur le fond, tout à fait déconcertant pour un esprit cartésien. En effet, à aucun moment on ne s’attache ici à nous dresser une carte géostratégique documentée de la présence de l’eau sur Terre, des zones où elle fait défaut et des tensions violentes qu’une telle disparité peut générer, préoccupation politique pourtant phare du siècle commençant. Ici, ça n’est pas le propos, et on le comprend dès la première intervention, hautement déroutante, d’un pope russe. Le patriarche Cyril Ier donne ainsi le "la" de cette bien étrange investigation. À sa suite, un imam (russe), un chef spirituel bouddhiste (russe, lui aussi, et dont le dossier de presse nous apprend que Dimitri Medvedev salua en lui "l’artisan du renforcement des idéaux moraux et spirituels") et, pour faire bonne mesure, un rabbin-physicien (mais point de représentant du Vatican), s’exprimeront chacun sur la nature de l’élément primordial et sur ses incalculables bienfaits au regard de leur tradition respective. On pénètre alors, non sans réticence, dans une réflexion ésotérique sur le "pouvoir secret" de l’eau, additif étrangement explicatif du titre. Nous est alors démontrée, microscope électronique à l’appui, la supériorité de l’eau bénite (gelée pour les besoins de l’expérience) sur l’eau de nos robinets. Cette dernière est constituée de microcristaux désordonnés, d’un marron douteux, alors que la première voit les siens admirablement rangés en une luminescente corolle. On ne nous fait alors pas grâce de la déduction qui semble s’imposer : celle de la dimension jugée hautement curative (notamment sur les tumeurs !) de l’eau bénite, sans qu’à aucun moment il apparaisse utile à la réalisatrice d’évoquer une éventuelle force psychique en action. Plus tard, une autre expérience nous présente de l’eau contenue dans des éprouvettes, sur lesquelles ont été inscrits les noms de personnes, notables, soit pour leurs bienfaits supposés, soit pour leur monstruosité avérée. C’est ainsi que l’eau extraite de l’éprouvette "Mère Teresa", stabilisée par le froid, brille de mille feux et de tout l’éclat de sa pureté, quand celle issue du contenant "Hitler" apparaît, en comparaison, au microscope, aussi noire que son âme. Il se trouve ici quelques scientifiques égarés qui ont inexplicablement accepté de cautionner, comme au glorieux temps de la propagande stalinienne, de leurs recherches et de leur présence, ces affirmations sans nuance sur la vitalisation des eaux. Bref, l’auteur entend développer et illustrer la théorie, hautement controversée, pour ne pas dire largement invalidée, de Jacques Benveniste, selon laquelle l’eau qui a été en contact avec certaines substances conserve une empreinte des propriétés de celles-ci, alors même qu’elles ne s’y trouvent statistiquement plus. Aujourd’hui, les chimistes s’accordent à dire que le concept de mémoire de l’eau n’est qu’un artefact expérimental, et que l’eau ne retient pas de réseaux ordonnés de molécules pendant plus d’une petite fraction de nanoseconde. Hélas, ce documentaire dure singulièrement plus longtemps.
© LES FICHES DU CINEMA 2012