Synopsis
Depuis la fin de la guerre de Corée, 200 000 enfants coréens ont été adoptés dans le monde. Accueilli dans une famille belge, Jung est l’un d’entre eux. Auteur de bandes dessinées, il revient sur les moments clés de son enfance, qui l’ont conduit à accepter sa différence. Réalisateur de nombreux documentaires, Laurent Boileau est tombé sous le charme du roman graphique de Jung et a décidé de l’adapter avec lui pour le cinéma. Étonnant mélange d’images réelles et d’animation, ocre ou gris-bleu selon l’humeur, entre présent et passé, utilisant à l’occasion des archives historiques et familiales, le film est un objet hybride qui émeut le spectateur dès sa première scène animée : dans un paysage enneigé, des enfants minuscules gagnent la cantine d’un orphelinat. Le crayon de Jung adulte dessine alors son histoire : "recommandé pour l’adoption". Des images d’actualité illustrent l’accueil joyeux des familles adoptantes. À peine arrivé dans la sienne, Jung se jette sur le célèbre Coca-Cola, à défaut de parler français. S’ensuit une série de scènes (archives familiales, animation) qui témoignent de son intégration : il apprend à faire du vélo, participe aux pique-niques, joue avec ses soeurs, Gaëlle et Coralie, ou fait de la balançoire. Jung en a presque oublié sa langue natale. Pourtant, le jeune garçon est blessé lorsque la grand-mère omet de le compter parmi ses petits-enfants. Son identité brouillée, il songe à sa maman, qui n’a pu l’abandonner que pour de sérieuses raisons... L’adoption de Valérie, bébé coréen accaparant, accentue son malaise. Il fait des bêtises, vole des tickets repas à une camarade et trafique son bulletin de notes pour s’attirer la bienveillance paternelle. Exaspérée, sa mère le fouette et le traite de "pomme pourrie" en lui interdisant de s’approcher de SES enfants ! À la manière de Topor ou de Folon, Jung dessine le cauchemar métaphorique d’un bébé englouti par les racines tentaculaires d’un arbre dénudé. Pour pallier son sentiment de rejet, l’enfant s’évade par le dessin et s’invente ainsi un autre monde, au Japon (ennemi juré de la Corée) : samouraï, pilote de chasse ou spécialiste de kung-fu, Jung écoute de la musique nippone à tue-tête, ce qui insupporte toute sa famille (autodérision très drôle). À l’adolescence, il fuit les conflits et s’installe au foyer du Père Paul, mais un excès de gourmandise le conduit à l’hôpital. Adulte, Jung se remémore les suicides d’enfants coréens et s’interroge sur la mort accidentelle de Valérie, âgée de 25 ans. Convalescent chez ses parents, il est bouleversé lorsque sa mère pose sur lui une main affectueuse : lui qui pensait n’être qu’une "pomme pourrie" se sent désormais intégré et aimé. Européen, l’artiste revient enfin en Corée (il est filmé à Séoul). En voix off, Jung repense à sa mère biologique, si souvent rêvée grâce au dessin, et s’assume tel qu’il est : "je viens d’ici et aussi d’ailleurs, ni blanc ni noir, la couleur de ma peau est miel". Une transposition artistique singulière et très réussie.
© LES FICHES DU CINEMA 2012
