Synopsis
"Une succession d’interviews d’habitants de Tel Aviv, avec un thème principal tournant vaguement autour du conflit israélo-palestinien... Difficile, a priori, d’être totalement enthousiasmé par ce genre de projet, tant le cinéma (documentaire et de fiction) a, depuis une dizaine d’années, balisé le sujet, image après image, analyse après analyse, jusqu’à épuisement. Il fallait donc trouver un biais, un angle d’attaque différent, pertinent, nouveau... C’est chose faite avec la question que pose le titre du film : Would you have sex with an Arab ? ("Coucheriez-vous avec un Arabe ?"). Yolande Zauberman et Sélim Nassib ont arpenté Tel Aviv de nuit, dans les bars, les boîtes de nuit, les rues, posant cette question, de façon directe ou après des heures de discussion, à leurs interlocuteurs. Parmi eux, des connaissances antérieures comme des nouvelles rencontres. Face à une interrogation si franche, si intime, si surprenante, difficile de contrôler ses réactions, forcément spontanées. Les oui et les non fusent, instinctivement ; le temps de la réflexion et de la modération vient après. Mais l’ouverture a été faite, la connexion établie, et une atmosphère complice, difficile à installer lorsque les interviews sont trop calibrées, s’est créée entre la cinéaste et les intervenants. Ici, une simple question aborde la notion de différence au niveau du désir sexuel, la rendant à la fois universelle et troublante. Le problème n’est plus ici politique, historique, religieux ou culturel, mais devient celui, plus général, du regard posé sur l’autre, et de la façon dont se forment les minorités, les marges de la société. Et ce n’est pas un hasard si le film se termine sur le personnage de la "fiancée de Palestine", frontière de genre entre homme et femme, et de nationalité entre Israélien et Palestinien. En Israël vivent 1,5 million de Palestiniens détenteurs de la nationalité israélienne : la "marge" est énorme ! Grâce à son dispositif léger (une caméra, un preneur de son, un chef op’ muni d’une lampe torche), ainsi qu’à son immersion assidue et attentive dans le milieu de la nuit, Yolande Zauberman a réussi son pari : faire réagir les gens à un niveau viscéral, animal, instinctif, sur un sujet où les discours et les analyses ont fini par perdre leur sens, à force d’être décrits avec les mêmes mots. En revanche, le film paye le prix d’une telle liberté : image de mauvaise qualité, cadrages improvisés, montage désordonné... De plus, lancés par cette unique question, les dialogues avec les intervenants restent assez superficiels, et s’enchaînent de façon répétitive et anecdotique. On peine à comprendre où la réalisatrice veut en venir. Peut-être tout simplement parce que, plus que sur la construction d’un propos quelconque, elle s’est concentrée sur la captation de quelque chose de vivant, d’instantané. Plus qu’à un film, on a l’impression d’assister à un reportage télévisé, à la fois brut et brouillon, plein d’une énergie qui n’est pas sans rappeler celle de l’émission Paris dernière. À ce titre, on peut s’interroger sur la pertinence de l’arrivée d’un tel film dans une salle de cinéma, qui ne semble pas le média
le plus approprié pour lui permettre de rencontrer son public. "
© LES FICHES DU CINEMA 2012
Réalisateur