Synopsis
Jean-Paul Jaud (Nos enfants nous accuseront, Severn) est clairement ce que l’on peut appeler un cinéaste militant. Son crédo de toujours, c’est la préservation de Dame Nature. Souvent accusé d’être moralisateur, le réalisateur a tout de même pour lui une constance, une cohérence dans les propos, qui méritent d’être notées. De film en film, il dénonce, avec souvent de gros sabots mais de petits moyens, l’univers qui fout le camp, apportant son grain de sel et tentant coûte que coûte de faire évoluer les mentalités. Cette fois, c’est aux OGM et au nucléaire qu’il s’attaque. Après une introduction passionnante (mais bien trop courte) sur les liens entre ces deux fléaux, il nous donne à suivre une étude "révolutionnaire" sur l’effet durable des OGM sur des rats de laboratoire. Tous cobayes ? Tous souris de labo ? Tous victimes de savants fous pour qui la productivité légitime toutes les mises en danger de l’espèce humaine ? Le film a un gros problème : on ne sait pas bien à qui il s’adresse. En effet, d’un côté les connaisseurs n’apprendront rien, de l’autre les novices ne seront jamais pris dans les mailles d’un filet peu pédagogue. Car Jaud s’apparente davantage à un journaliste qu’à un professeur, et son film est donc un objet mutant, tergiversant entre étude scientifique pointue et vulgarisation inappropriée. Le film révèlera, sans surprise réelle, qu’il y a bien un problème avec ce que l’on nous donne à manger. Évidemment. Les résultats sont martelés, à coup de rats pleins de tumeurs affreuses, filmés à fréquence régulière sous l’oeil humide de Corinne Lepage. Est-ce du cinéma ? Sûrement pas. Est-ce édifiant ? Pas tant que ça. Est-ce utile ? Oui, probablement. Tout comme dans Nos enfants nous accuseront, Jaud ne fait pas dans l’investigation documentée, son film relevant davantage du reportage, le montage étant très plan-plan, parfois réellement maladroit, avec des raccords extrêmement simplistes, candides. L’homme paraît avoir entendu les reproches faits à ses précédents films : il essaie donc de poser sa caméra, d’inventer des plans de cinéma. Seulement, ça ne prend que trop peu souvent. Si, il y a tout de même cette dernière image, celle de paysans qui marchent sur un chemin sinueux et que la caméra distance : belle idée de cinéma. Tout y est dit : le progrès met l’humain loin derrière, n’y faisant même plus réellement attention. Sur cette image, que Jaud aurait largement pu étirer deux minutes supplémentaires, le réalisateur laisse des regrets. Peut-être son sujet méritait-il un peu moins de fastidieuses interviews reformulant les propos de la voix off poétique du militant Torreton et plus d’images de ce genre. Plus de tambours (autre belle idée du film), plus d’images muettes, plus de vrais gens. Reste un propos fort venant confirmer ce que l’on supputait déjà, mais pointant à nouveau le problème si bien énoncé par l’un des intervenants du film : c’est la première fois depuis le début de l’univers qu’une espèce s’autodétruit. Et cela vaut tout de même bien un film.
© LES FICHES DU CINEMA 2012
