Synopsis
Le DVD de Tempête sous un crâne devrait être offert à tous ceux qui, les vacances à Saint Barth’ semblant déjà trop loin, raillent les professeurs osant exprimer leur fatigue après leur journée de travail. Ce n’est pas là forcément la finalité à laquelle Clara Bouffartigue destine son travail documentaire, mais ce ne sera pas le moindre de ses bénéfices que d’apporter des arguments contre la stigmatisation facile. Pour autant, Tempête sous un crâne, s’il se range clairement du côté des professeurs, n’est pas un document militant, dans le sens où il ne revendique rien. Mais il impose tout de même son idée, claire et lumineuse : ce n’est pas facile d’enseigner, ce n’est pas facile d’enseigner dans une Zone d’Éducation Prioritaire, mais l’école reste le domaine des possibles. Installant sa caméra au coeur du collège Joséphine Baker à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, la jeune réalisatrice impose peu à peu une familiarité avec ce lieu. Elle suivra durant un an une seule classe, la Quatrième C, et deux enseignants : Alice Henry, prof de Lettres, et Isabelle Soubaigné, prof d’arts plastiques. Sa caméra ne quittera jamais l’enceinte du collège, ne s’échappant des classes que pour s’immiscer dans la salle des profs, dans le bureau de la Principale ou dans la salle de réunion de la Conseillère d’éducation. Par les choix très restrictifs qu’elle s’impose, Clara Bouffartigue, plutôt que d’étouffer son sujet, en révèle la matière vivante. Le collège, tout d’abord, avec ses longs couloirs vitrés, reliés par des passerelles, ressemble à un paquebot, sur lequel nous n’irions pas jusqu’à dire que la croisière s’amuse, mais enfin chaque passager, du côté des élèves comme des professeurs, ne manque pas d’humour. La circulation y est tour à tour dense et fluide, parfois heurtée, parfois traînante comme une solitude. Enfermé derrière les parois de verre, le spectateur peut sentir l’incroyable énergie qui se dégage de ce huis clos. Les professeurs, ensuite, sont au diapason. Comme le lieu est fait de variations d’ambiance, ils sont mouvants. Leur lassitude n’est pas cachée, et leur enthousiasme n’est pas plus souligné. Ils sont là, ils s’adaptent, perdent quelques batailles, puis gagnent les suivantes. La relation de confiance que l’on devine entre eux et la réalisatrice permet à la caméra de se déplacer, dans un coin de la classe, derrière le professeur ou tout près de lui. Ce changement d’angles embrasse les mouvements (des corps, des humeurs, des esprits) et accompagne, de fait, les tempêtes qui agitent les crânes. Le parti pris de ne pas "fictionnaliser" la classe, comme avait pu le faire Laurent Cantet dans Entre les murs en s’attachant au professeur autant qu’à certains élèves, élargit le cadre au système scolaire dans son entier. C’est la troisième matière vivante de ce film, composée de flux : entre les encadrants, entre eux et les élèves et entre le collège et l’extérieur. De ce beau travail, on regrettera simplement qu’il ne soit pas plus long, pour inscrire plus nettement sur la pellicule le temps, celui qui façonne toutes ces matières et celui qui agite la folle ambition de ces "passeurs".
© LES FICHES DU CINEMA 2012
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