Synopsis
Au coeur du Cameroun, dans la moiteur d’une forêt dense et par endroit inextricable, un homme blanc, accompagné d’un guide pygmée, progresse avec peine. Cet homme, c’est Michel Ballot, chercheur en cryptozoologie. Depuis 1986, ce juriste de profession est en quête d’un animal inconnu des encyclopédies : le Mokélé-Mbembé. Serpent géant possédant griffes et cornes, cette mystérieuse créature aurait la masse corporelle d’un éléphant, et vivrait dans l’eau. Il n’existe d’elle aucune photographie, aucune empreinte, aucun ossement. On ne la trouve que dans des récits de pêcheurs, dans des dessins, des on-dit. Les éléments factuels dont dispose Ballot sont maigres. En 1981, une expédition américaine a identifié la trace d’une queue impressionnante, qui ne serait pas celle d’un crocodile. Une équipe allemande aurait, quant à elle, retrouvé il y a quatre ans le cadavre d’un Mokélé-Mbembé de 15 mètres, sans qu’aucune publication ne soit pourtant venue en attester. Mais qu’est-ce donc qui pousse cet homme, semble-t-il raisonnable, à consacrer son temps et son énergie à la poursuite de ce que la communauté scientifique considère comme une chimère ? C’est ce que tente de capter Marie Voignier dans ce surprenant documentaire, qui suit au plus près l’explorateur lors d’une de ses missions. On accompagne pas à pas cet homme obstiné, sans voix off explicative, guettant avec lui le moindre indice. On scrute avec lui les eaux profondes, on prête l’oreille aux témoignages parfois confus de ses interlocuteurs, on tente de démêler le mythe de la réalité. Et plus le film avance, plus la frontière entre faits et fiction se fait fluctuante. Cet homme qui dessine ce qui ressemble furieusement à un dinosaure reproduit-il ce qu’il a vraiment vu ? Retranscrit-il ce qu’on lui a raconté ? Ne fait-il, au fond, que donner au chercheur ce qu’il attend ? La caméra de Marie Voignier suit Ballot sans condescendance. Pas de montage assassin à la façon de l’émission belge Strip-Tease. Il ne s’agit pas d’un illuminé. Son raisonnement paraît somme toute sensé : dans cette forêt, il est déjà très difficile de voir des animaux pourtant bien connus et nombreux, comme l’éléphant, ça l’est donc d’autant plus pour un animal rare et aquatique. Il en est convaincu, le Mokélé-Mbembé existe ou a existé. Contrairement à ce que les scientifiques prétendent, l’Homme, dit-il, n’a pas tout exploré. Une autre dimension de cette quête apparaît cependant quand des villageois lui expliquent ce qu’est un animal "blindé". On entr’aperçoit alors, à travers cette notion difficilement traduisible, l’univers mystique d’un peuple, où réel et imaginaire se mêlent, où la distinction entre le vrai et le faux n’est plus si pertinente. C’est aussi de cela que nous parle le film : de la rencontre de croyances, de langages différents. Évoquant par moment le climat d’Apocalypse Now, le serpent à cornes remplaçant Kurtz, ou encore Fitzcarraldo, pour l’obstination jusqu’au-boutiste de son héros, L’Hypothèse du Mokélé-Mbembé s’attache avant tout à faire le portrait d’un homme passionné face aux mystères de la nature et du langage.
© LES FICHES DU CINEMA 2012
