Synopsis
Le jeune compositeur réunionnais Jean-Luc Trulès a décidé de mettre en musique et en scène, sur les lieux mêmes de l’histoire, l’épisode du tout premier peuplement de la Réunion par dix Malgaches et deux Français, partis en 1646 de Fort-Dauphin vers l’Est, pour la grande île. Une histoire a priori simple, que compliquent les éclairages contradictoires, lourds de rancoeurs passées, de divers intervenants : M. Gabriel, vieux Malgache d’essence princière, le colonel malgache Razafinanarivo, Mme Alleaume, une vieille marchande de zébus, M. de Heaulme, descendant d’un pionnier de la Compagnie des Indes, installé à Fort-Dauphin et, semble-t-il, homme d’affaires influent. Il y a peu, J-B. de Montvallon rappelait opportunément dans Le Monde la définition limpide, proposée par feue la CNCL (ancêtre du CSA), du documentaire de création : il se réfère au réel, le transforme par le regard original de son auteur [...] se distingue du reportage par la maturation du sujet traité et par la réflexion approfondie, la forte empreinte de la personnalité d’un réalisateur et/ou d’un auteur. On pourrait ajouter ce qui pourrait paraître un truisme mais, hélas, est de plus en plus oublié dans la plupart des documentaires qui déferlent depuis peu : un documentaire... documente ! Rien de tel ici. Les Paes ne sont pourtant pas des débutants, mais documenter le spectateur semble être le cadet de leurs soucis. Les noms, les qualités, les compétences des intervenants (dont ceux ci-dessus cités) nous resteront inconnus et, peu à peu, les morceaux du puzzle concocté par Marie-Clémence & Cesar Paes, s’éparpillent devant nous mais ne trouvent jamais ensemble une quelconque cohérence (gênant pour un puzzle !)... L’histoire (vraie ? légendaire ?), que l’on pressent pourtant passionnante, des amours contrariées de Maraina, de Louis le Français et de Jean le Malgache, de cette aurore (ainsi se traduit aussi "maraina", le titre de l’opéra) du peuplement réunionnais, gardera ses secrets. Quant à la "personnalité" des réalisateurs, elle a dû s’égarer dans la montagne malgache, comme le car poussif qui conduit la troupe de l’opéra, venue de la Réunion, de Tananarive à Fort-Dauphin. Pourquoi ce voyage si inconfortable et pénible ? Pourquoi, surtout, nous l’avoir infligé durant de longues minutes qui font ressortir plus encore l’absence permanente d’idées de montage et de construction d’images ? Restent l’opéra, la musique. Elle est magnifique, riche, à la fois savante et populaire, complexe et évidente, remarquablement mise en perspective par les interventions, heureusement assez nombreuses, du compositeur, passionné, habité, du librettiste et metteur en scène, et de chanteurs issus de cultures différentes, tels le géant tahitien Steeve Heimanu Maï et la superbe mezzo guadeloupéenne Aurore Ugolin, qui joue Maraina. La représentation enfin donnée à Fort-Dauphin, devant des spectateurs néophytes et enthousiastes, est un beau moment d’émotion, qui aurait pu et dû conclure le film. Mais nos réalisateurs ont préféré finir sur de longues minutes banales et ternes, évoquant la reprise au théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine ! _Ch.B.
© LES FICHES DU CINEMA 2012
