Synopsis
Parmi les quarante chats déambulant dans la maison et l’atelier de l’artiste chinois Ai Weiwei, il en est un capable d’ouvrir une porte en sautant sur la poignée. "Si je ne connaissais pas ce chat, je croirais qu’ils en sont incapables", constate, amusé, le maître des lieux. Il en va des félins comme des humains : un seul suffit à modifier le regard. Ai Weiwei est de ceux-là. Non content d’être un iconoclaste convaincu, reconnu pour ses oeuvres, telles que les agrégats de tables ou tabourets anciens, les urnes de la dynastie Han repeintes aux couleurs de Coca-Cola, ou les photographies étudiant la "perspective" des grands monuments (majeur tendu devant la Cité Impériale, la Tour Eiffel ou la Maison Blanche), il est un activiste politique ardent. L’ayant suivi de 2008 à 2011, la réalisatrice nous présente un homme de paradoxes : il a été consultant auprès des architectes suisses pour le stade destiné aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008, ce qui ne l’empêcha pas de poster sur son blog des critiques virulentes envers la façon dont le gouvernement chinois a dépensé l’argent et éloigné le petit peuple des festivités. Lors du tremblement de terre au Sichuan, en mai 2008, devant l’inanité des pouvoirs publics, et dans la foulée de Tan Zuoren, un de ses amis artiste et activiste (qui sera emprisonné ensuite), il enrôle des bénévoles qui, par téléphone ou sur place, enquêtent pour connaître l’identité des victimes et établir des listes. Les noms des 5212 élèves morts sous les décombres d’établissements "aux murs en tofu" sont postés sur le blog, qui est bientôt fermé. Ai Weiwei utilise alors Facebook et Twitter, suivi par des "amis", de plus en plus nombreux. "Le danger est une réalité. Mais si on ne fait rien, il sera encore plus grand...", dit-il. Né en 1957, de parents étiquetés de droite, envoyés en détention pour leurs idées et réduits au silence, Ai Weiwei, qui a vécu à New York et a choisi de revenir dans son pays, ne veut pas se taire. Parce qu’il se souvient des multiples tentatives de suicide de son père, parce qu’il a un enfant (illégitime, d’ailleurs) et ne veut pas que la prochaine génération ait à se battre comme il le fait. Très classique mais assez efficace, le film d’Alison Klayman inclut des images (saisissantes) de documentaires produits par Ai Weiwei lui-même, livre les témoignages de proches, suit l’artiste dans ses expositions, montre la surveillance constante des policiers, le calme courage d’un homme obstiné " à moins que ce ne soit l’inconscience d’un "hooligan qui sait comment se conduire avec les autres hooligans". Arrêté le 3 avril 2011, pour de soi-disant malversations financières via sa société, Ai Weiwei n’est réapparu que 81 jours plus tard. Dans l’intervalle, de nombreuses voix internationales s’étaient élevées pour réclamer sa libération. Et en Chine même, des hommes et des femmes n’ont pas hésité à manifester en pleine lumière, au risque d’être à leur tour en péril. À lui tout seul, Ai Weiwei a ouvert une porte. Et il suffit maintenant de s’y engouffrer... "C’est étrange, la liberté, écrit-il. Une fois que vous y avez goûté, ça vous colle au coeur et plus personne ne peut vous en priver."
© LES FICHES DU CINEMA 2012
