Synopsis
Connue dans le monde entier pour ses performances extrêmes, mettant en jeu son propre corps, Marina Abramovic met, depuis les années 1970, son endurance à rude épreuve, se scarifiant, prenant des produits psychoactifs, jeûnant, s’exposant au feu... Provoquant fascination ou répulsion, elle a toujours fait face à la même question : est-ce de l’art ? C’est tout l’enjeu de ce film qui fait un portrait de l’artiste à l’occasion de la rétrospective dont son travail fit l’objet en 2010 au MoMA. Quelques images d’un journal télévisé américain suffisent à rappeler l’incompréhension, voire le mépris avec lesquels est encore parfois considérée son oeuvre. Dans un frappant contraste, on assiste à la ruée des premiers spectateurs à l’ouverture du musée, rappelant la frénésie déchaînée par les vedettes du cinéma ou de la musique. Abramovic, pop star de l’art contemporain ? Usurpatrice ou véritable artiste ? Matthew Akers, en la suivant durant la préparation puis l’exécution d’une nouvelle performance au MoMA, tente de répondre à cette question. Ce qui frappe d’abord, c’est la personnalité plutôt affable et joyeuse de la "grand-mère du Performance Art". Se livrant avec simplicité, elle évoque son enfance à Belgrade et son éducation rigide, par des parents obsédés par la discipline. Akers la montre également entraînant de jeunes artistes volontaires pour réinterpréter certaines de ses performances. Portables confisqués, jeûne, immobilité... Étrange initiation dont on comprend ensuite l’intérêt en voyant ces jeunes gens rester nus et sans bouger des journées entières devant le public new-yorkais. Les récits des différents intervenants et les images d’archives permettent de se familiariser avec les oeuvres antérieures d’Abramovic. On peut cependant regretter que l’histoire du Performance Art soit à peine évoquée, et que ne soient jamais cités les précurseurs, comme le dada Johannes Baader, qui bousculèrent le public dès le début du XXe siècle, les actionnistes viennois ou encore Joseph Beuys. Ce documentaire, rythmé et passionnant, trouve tout son sens lors de la performance au MoMA : assise sur une chaise, immobile, sans manger ni boire, 7 heures et demi par jour, 6 jours sur 7 pendant 3 mois, l’artiste fait face aux spectateurs qui se succèdent, assis devant elle, 15 minutes chacun. Ce dispositif si simple et radical permet de révéler toute la puissance de sa démarche : bien que l’oeuvre s’intitule The Artist is Present, ce n’est pas d’elle dont il est question, mais de chaque visiteur venu se confronter à cet espace-temps inédit. Certains pleurent, d’autres semblent en extase comme devant une sainte, chacun projetant sa propre histoire sur son visage offert. On assiste à des moments de grande émotion, comme lorsque Ulay, son compagnon et alter ego artistique pendant douze ans, s’assoit à son tour face à elle, après des années de séparation. Derrière les larmes muettes de cette femme hors du commun, on devine les années à vivre dans une camionnette pour pouvoir exercer son art en toute liberté, on la revoit malade de trac une semaine avant sa performance, et on se dit que, quoi qu’on en pense, son travail mérite le respect.
© LES FICHES DU CINEMA 2012
