Synopsis
« Mais, c’est qu’il y a de la neige !» Comme la jeune bergère, on est saisi dès les premières images par cette neige qui inonde l’écran et le paysage. Où sommes-nous ? Sur le plateau suisse, où, comme chaque année, les bergers Carole et Pascal emmènent un troupeau de moutons en transhumance hivernale. Accompagnés par trois ânes et quatre chiens, ce sont 800 bêtes qu’ils vont guider à travers les champs glacés, à la recherche de pâtures encore vertes sous la neige. Le soir venu, à l’orée d’un bois, ils installent une tente de fortune et un lit sommaire fait de peaux de bêtes. Mais «quel moment de bonheur», s’enthousiasme Pascal lorsque crépitent les premières flammes du feu de camp. Ainsi les jours vont-ils s’égrener au côté du couple et de leurs bêtes pendant quatre mois d’hiver. Le réalisateur Manuel von Stürler nous offre le privilège de suivre ce périple hors du temps, et de découvrir une tradition ancestrale que Pascal a appris auprès de bergers bergamasques (nord de l’Italie). Il donne à voir le spectacle magnifique des flots de moutons dévalant les pentes enneigées comme les remous du siècle passé venant battre le sable du présent. Comme dans Strip-tease, la célèbre émission documentaire diffusée sur France 3, aucun commentaire ne vient troubler la quiétude des images, qui parlent d’ailleurs d’elles-mêmes. Seuls quelques notes de musique et le tintement des clochettes ponctuent l’expédition. Les informations essentielles arrivent à la faveur de rencontres fortuites ou de conversations au coin du feu. Par exemple, lorsque Carole évoque sa rencontre décisive avec Pascal : «Je savais que quelque chose allait arriver.» Et c’est ainsi qu’elle a tout quitté, sa vie urbaine à Brest, pour suivre cet homme plus âgé qu’elle dans l’aventure nomade. Elle est craquante, Carole, avec son bonnet rouge qui blanchit sous les flocons. Jeune et déterminée, belle et précieuse comme un edelweiss, elle avance. Elle ne se plaint jamais de la dureté des conditions de vie. Au contraire, elle semble goûter chaque instant du voyage et de l’apprentissage. On sent juste son coeur se serrer lorsque Jean-Paul, l’éleveur, emmène les moutons les plus gras pour en faire «des gigots de Noël». Jean-Paul revient d’ailleurs régulièrement et le cheptel finira à une quarantaine de bêtes. Pascal, lui, fait ce métier depuis trente-deux ans. Une passion qui l’a pris à 20 ans et ne l’a jamais quitté. En trente ans, la campagne suisse a changé. À la périphérie des villages, les quartiers de villas ont empiété sur la campagne. «C’est Disneyland !» s’emporte même Carole en découvrant de nouvelles constructions. Il faut alors tout le savoir-faire de Pascal pour guider le troupeau sur ce territoire mité. Il faut l’entendre parler à ses bêtes, avec un ton si juste et plein d’humanité, s’inquiéter de Figaro, l’âne qui a mal à la patte, ou gronder le malicieux Titus, son chien, parfois trop vif avec les brebis ! Manuel von Stürler, lui-même féru de nomadisme (puisqu’il a parcouru le monde pendant deux ans avec sa compagne et ses deux enfants), raconte cette épopée avec subtilité, simplicité, évidence.
© LES FICHES DU CINEMA 2013
Réalisateur