Synopsis
Le jour de la naissance de son quatrième fils, Emad étrenne sa nouvelle caméra. Il vit à Bil’in, en Cisjordanie, et ce jour est également celui où le premier bulldozer israélien vient arracher les premiers oliviers. Le «mur» va être construit ici, privant les paysans de leur unique source de revenu, afin de «protéger» une colonie israélienne naissante. Emad immortalise les deux événements. Il continue ensuite à filmer son fils, le village, les bulldozers. On assiste à une première manifestation des habitants de Bil’in, face aux soldats, lors de laquelle le frère d’Emad est roué de coups par un commando israélien, infiltré dans la manifestation. Ce n’est que le début des hostilités. Pourtant, les villageois persévèrent dans leur non-violence, malgré l’escalade à peine croyable des agressions qu’ils ont à subir. La caméra d’Emad est un jour brisée par un tir de grenade lacrymogène. Il en trouve bientôt une autre. Pendant ce temps, son fils grandit. Parmi ses premiers mots : mur, cartouche, armée. Ce parallèle entre les premières années d’un enfant et la résistance d’une population donne au film une densité humaine qui l’éloigne d’emblée du film-dossier. Emad raconte son quotidien, il ne cherche pas à argumenter. Le fait d’assumer pleinement cette subjectivité, cette position nécessairement partisane, préserve le film de certains procédés manipulateurs, telle la prétention à l’»expertise», toujours à craindre avec un sujet si explosif. Face à la spoliation de leur terre, les insurgés de Bil’in redoublent de ruse : une loi interdit à l’armée de détruire un édifice construit. Ils construisent donc, de nuit, une petite maison sur le terrain annexé par les Israéliens. Les représailles, elles, sont sans nuance : leurs oliviers sont brûlés. La tension monte. L’un des frères d’Emad est arrêté lors d’une manifestation. Le spectacle de son vieux père tentant d’empêcher les soldats de l’emmener en montant sur le capot de la jeep se passe de commentaire. Le plus étonnant, c’est que la révolte de ces gens ne se transforme pas en déchaînement de violence. Ils se battent en gardant leur ligne de conduite. Ils portent l’affaire en justice et le chantier est déclaré illégal. Pourtant, sur le terrain, rien ne bouge. La troisième caméra d’Emad arrête une balle et lui sauve la vie. Qu’est-ce qui le pousse à filmer encore et toujours, malgré le danger, les amis tabassés ou emprisonnés, les enfants arrêtés chez eux, en pleine nuit et sans motif ? Deux scènes suffisent à justifier sa démarche. La première : un homme est arrêté. Il est immobile, encadré de soldats. L’un d’eux, avec calme, vise sa jambe et tire. La seconde, vers la fin du film, est si terrible, si tragique, si insupportable, que la décrire semblerait presque une offense. On est sidéré face à cette froide et implacable stratégie de terreur. Seules lueurs d’espoirs, la présence et le courage d’Israéliens solidaires dans les manifestations auxquelles Tsahal répond pourtant à balles réelles, et la victoire judiciaire qui oblige finalement Israël à reconstruire le mur plus loin. Mais comme il traverse encore les terres de Bil’in, le combat continue.
© LES FICHES DU CINEMA 2013
