Leviathan (2011) Véréna Paravel, Lucien Castaing-Taylor

Leviathan

Pays de productionGrande-Bretagne ; France ; Etats-Unis
Sortie en France28 août 2013
Durée87 mn
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Générique technique

RéalisateurVéréna Paravel
RéalisateurLucien Castaing-Taylor
Société de production Arrête ton Cinéma
Distributeur d'origine Independencia Distribution (Paris)
Directeur de la photographieLucien Castaing-Taylor
Directeur de la photographieVéréna Paravel
Ingénieur du sonErnst Karel
Ingénieur du sonJacob Ribicoff
MonteurLucien Castaing-Taylor
MonteurVéréna Paravel

générique artistique

Bibliographie

Synopsis

Immersion sensorielle et anthropologique (discipline initiale des auteurs, chercheurs au Sensory Ethnography Lab de Harvard), manifeste contre les excès de la pêche intensive, oeuvre gore (pour son insistance sur les viscères et les effusions de sang) à l’impressionant design sonore : Leviathan est tout cela à la fois. Le titre du film (référence au monstre marin de l’Ancien Testament, et possible renvoi à l’essai de Hobbes) et son port de départ (comme Ismaël, le narrateur du Moby Dick de Melville, les auteurs ont embarqué à New Bedford, Massachussets), ouvrent également la voie à une multitude de lectures. Étranger à toute approche romantique des métiers de la mer, comme à tout anthropomorphisme dans son abord de la question animale, Leviathan ne se voue finalement qu’à son dispositif : les GoPro, caméra légères et de qualité médiocre, sont tour à tour fixées au cordage du bateau, sanglées au corps des pêcheurs, posées à même le pont. En plaçant celles-ci comme on jetterait des filets, sans présumer de leur prise, les auteurs produisent une poignée de plans littéralement inédits, d’une dimension funeste et hallucinée, confinant parfois à l’abstraction (du premier plan, notamment, n’émergent que tardivement des formes d’abord indéchiffrables). Dans ce travail collectif (les pêcheurs ont été invités à se saisir des caméras), le point de vue des cinéastes, leurs éventuels discours et intentions préalables, cèdent volontairement le pas à une multitude de points de vue. Leviathan est donc une oeuvre au regard «désauteurisé», voire déshumanisé, si ce n’est chosifié, dévitalisé (la caméra, s’attardant longuement sur l’oeil d’un poisson mort, s’en fait ainsi l’alter ego). Façon de replacer l’humain, devant et derrière la caméra (pêcheurs et cinéastes), au coeur d’une cosmologie remaniée (en vertu de quoi marins et espèces présents à l’image se verront cités, dans le générique de fin, sur un pied d’égalité). Au-delà même du fait que le film, voué à la monstration, ne raconte pas d’histoire à proprement parler, son rapport au temps est aussi indéchiffrable. Seuls la répétition mécanique des gestes des pêcheurs, le cycle des sévices infligés aux poissons, le flux et le reflux des vagues, semblent à même de scander ces longs plans-séquences, d’où émergent, pour une vision féérique (l’improbable profusion d’étoiles de mer s’échappant d’un filet), quantité d’apparitions morbides (raies aux ailerons tranchés à coups de machette ; filet grouillant de poissons agonisants, leurs têtes seules dépassant des mailles pour composer une boule d’yeux exorbités ; vol de mouettes en quête des rebuts du navire). Soit rien moins qu’une possible vision des enfers dans les entrailles d’un vaisseau fantôme. À la fois résolument contemporain (c’est bien la pêche intensive, ses prises massives et son industrie lourde, que chronique le film) et atemporel (l’homme, le règne animal, la machine et leurs interactions), Leviathan, s’il en rebutera certains par sa noirceur entêtée, charrie dans son sillage quelques-unes des images les plus fortes vues ces derniers temps, et incarne crânement un rêve de spectateur : un authentique prototype de cinéma.
© LES FICHES DU CINEMA 2013
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