Synopsis
Pendant huit mois, Patrick Rotman a pu filmer François Hollande à l’Élysée, dans la foulée de son élection, le 15 mai 2012. Il nous invite à nous immiscer dans les couloirs du palais, jusque dans le bureau présidentiel - là où François Hollande n’allait pas quand il n’était que simple conseiller de François Mitterrand. Les lieux n’ont pas changé et le nouveau président veut y «redonner de la vie» en n’y restant pas «confiné». La première scène d’importance est justement sa pose, tout en mouvements, dans les jardins de l’Élysée, au moment de réaliser sa photo officielle. Pour une fois, Raymond Depardon est devant la caméra et devient le photographe du pouvoir, tout en essayant de garder sa modestie. Tout le projet du film est à cette image : montrer un président normal. Il est donc «normal» de le voir dans l’exercice des rites de la fonction : défilé de réunions en effectifs réduits (avec le premier ministre, avec ses conseillers, avec Lionel Jospin, Laurent Fabius ou Pierre Moscovici), conseil des ministres, conseil de Défense sur le Mali, visite d’une maison de l’emploi en province (où le président se montre paternaliste en tutoyant les jeunes), déplacements dans le Thalys vers Bruxelles ou dans l’avion présidentiel vers l’ONU, rencontre avec la communauté française de New York (plus peuplée que la Corrèze), déjeuner avec un prix Nobel, accueil par la garde républicaine du président italien, conférence de presse... Les conseillers ont le grand rôle, en premier lieu le secrétaire général Pierre-René Lemas ainsi qu’Emmanuel Macron, son adjoint. Ce sont les ouvriers de l’ombre, ceux qui préparent les plannings, suggèrent des idées à un président qui remanie sans cesse les discours qu’ils ont pourtant écrits pour lui «au propre». Après l’une de ces réunions où le maître des lieux se montre très exigeant, on les entend chuchoter : «C’est moins pire que d’habitude !», ce qui sous-entend que la présence de la caméra a dû édulcorer l’exercice. Et c’est là que Le Pouvoir dévoile ses limites. En effet, le documentaire reste apprêté, protocolaire, moins-disant. Il ne faut pas espérer découvrir ici des secrets politiques - ou même des révélations «people». Le film reste à la surface et s’en tient aux apparences policées. Patrick Rotman n’est ni Frederick Wiseman, ni même Nicolas Philibert : nous ne serons témoins d’aucune colère, d’aucune anecdote burlesque. Quand il filme deux conseils des ministres, il sort aussitôt après le début pour rejoindre les huissiers derrière la porte ! Et, s’il s’attarde sur une discussion à bâtons rompus entre le président et le premier ministre, chacun s’autocongratulant de l’augmentation de l’impôt qui épargnera les classes populaires, il ne montre rien des débats de fond, des prises de position, des décisions politiques... si bien que l’on se demande si elles existent bel et bien ou si le pouvoir n’est qu’une succession de rites convenus et automatiques. C’est donc un film frustrant qu’il nous est donné de voir : du pouvoir réel, on ne verra rien, si ce n’est sa représentation et sa posture, celle d’un président qui veut délivrer un message de confiance au peuple et d’autorité à ses troupes.
© LES FICHES DU CINEMA 2013
Réalisateur