Synopsis
Dans une petite maison près de Hambourg vivent les parents du réalisateur : son père Malte, mathématicien et ancien universitaire, et sa mère, Gretel, 73 ans, un peu plus âgée que son époux. Le premier est en pleine forme, la seconde est atteinte de la maladie d’Alzheimer : la première manifestation en fut cette récente soirée de Noël au cours de laquelle elle se contenta de mitonner une soupe et oublia le cadeau de son fils. Gretel devient alors le centre de la vie de Malte, et le centre du film de son fils ; ce dernier devant s’occuper d’elle durant un voyage de son père en Suisse. On suit le long voyage vers la nuit de Gretel, habilement émaillé de souvenirs, témoignages ou évocations qui permettent de cerner sa très attachante personnalité. Elle fut une active militante de l’extrême gauche allemande. C’est en Suisse que Malte, qu’elle épousa alors qu’ils étaient étudiants, dut exercer son magistère avant de revenir en Allemagne en 1975, chacun vivant librement d’autres amours ou liaisons. Ils ne se sépareront jamais. «Ce qui compte, ce n’est pas l’amour romantique mais celui des enfants communs», dit un jour Gretel. La soeur de David, apparaît, un peu, parfois... Et Malte comprend à la lumière de l’aggravation de la maladie de Gretel et de quelques pages de son journal intime ce que cette liberté a parfois engendré de souffrances. Peu à peu, il accepte l’idée qu’il ne pourra s’occuper seul de Gretel et engage deux aides successives. La mère de Malte (96 ans) lui dit que la meilleure solution serait de placer Gretel dans une maison de retraite spécialisée : cela finira par être le cas, et, dans les premières semaines, elle ira mieux. Il y a dans ces 88 minutes des moments d’exception dus à la personnalité magnifique de Gretel. Cet instant suspendu où, après avoir été emmenée près d’une piscine par David, elle prononce cette phrase poignante : «On peut s’asseoir dans un endroit où on ne meurt pas ?». Ou bien le voyage à Stuttgart, sa ville natale, où elle semble maintenant étrangère. La visite à sa soeur Ilse, celle de ses vieilles complices féministes. Une escapade (somptueusement filmée) dans les Alpes suisses, où Malte et elle marchent main dans la main. Il y en a aussi de difficilement soutenables, montrant une Gretel enlaidie, perdue, et ses petits-enfants, forcément mal conscients, jouant à la dînette avec elle. Là, on touche au problème de fond, moral, éthique, qu’un tel film soulève. Qui sommes-nous pour pénétrer ainsi dans l’intimité la plus profonde d’un être ? Et jusqu’où un réalisateur peut-il observer et montrer la détérioration terrible, physique et mentale, d’une personne (sa mère !) qui ne put jamais être vraiment consciente de ce qu’il faisait d’elle ? C’est toute la question de cette maladie épouvantable, et aussi celle du cinéma documentaire, du point de vue épousé et du but recherché. Certains pourront voir ici un document utile pour mieux comprendre Alzheimer, un portrait esthétiquement réussi d’un personnage attachant. D’autres (les mêmes parfois) rejetteront la position de voyeur dans laquelle le réalisateur les place.
© LES FICHES DU CINEMA 2013
Réalisateur