Synopsis
?Appuyé sur une élision, le titre de cet ultime film de Stephen Dwoskin, cinéaste expérimental américain décédé en 2012, à 73 ans, devrait être lu et compris comme "L’âge c’est ça !", les points de suspension se substituant à "ça !". S’ensuit un poème contemplatif et cacochyme, conçu comme une "ode" à la texture, à la beauté, à la singularité des visages et des silhouettes vieillissantes, [...] une observation minutieuse, passionnée et amoureuse des détails.... Ainsi se succèdent les visages parcheminés, les mains fripées aux doigts d’arthroses, la geste ralentie et les déplacements hésitants d’un peuple hors d’âge. Comme s’il s’agissait, en prenant à contrepied les innombrables réclames d’onguents antirides, de promouvoir les bienfaits de la décrépitude et du flétrissement général des corps. Au cas - allez comprendre - où l’on ne serait pas client ! De quoi sans aucun doute exhorter le spectateur à se précipiter au rayon "Dégénérescence" des Galeries Lafayette dans l’espoir d’arborer à son tour ce si beau visage "vu à la télé" (le film étant produit en association avec Arte). En autofiction promotionnelle, le cinéaste, gravement handicapé par la poliomyélite depuis l’âge de 9 ans - ne faudrait-il pas rappeler que Beethoven était sourd ? - ne manque pas d’apparaître à l’écran, d’assumer le rôle d’ambassadeur de ce must esthétique qu’est assurément la vieillesse. Le tout, livré dans le très chic emballage d’une partition signée Alexander Balanescu, de facture classique (les vieux détestant tout autre style musical, c’est bien connu). On ne manquera pas, pour rendre à César ce qui lui appartient, d’admirer la prestation des acteurs, parents proches ou amis du cinéaste, lesquels, bien que non professionnels, endossent à la perfection ces rôles de décomposition. Rôles muets, comme si l’avancée de l’âge les avait, au passage, définitivement privé de la parole, de leurs facultés d’expressions. Peut-être aurait-il tenu des propos contraires aux intentions du cinéaste, à l’image de Marthe dans Lulu femme nue de S. Anspach, qui déclare "en avoir marre de vieillir". On aura beau jeu, quoi qu’il en soit, de voir en cet ultime opus un pied de nez à l’idéologie du jeunisme, du corps glorieux, de la plastique parfaite, à la vitalité comme modèle indépassable. La majesté du troisième âge, ses beautés, ses vertus, sa sagesse, en sont une autre à n’en pas douter, que rend socialement nécessaire le vieillissement accéléré des populations des sociétés occidentales. Si le discours sur la jeunesse comme unique horizon peut exaspérer à juste titre, celui voué à louer les mérites du grand âge devrait produire un effet similaire, l’un et l’autre n’étant désormais que des produits de consommation, même s’il est avéré par ailleurs qu’à ce jour, vieillir est le seul moyen qu’on ait trouvé de ne pas mourir jeune. Pour en revenir au film, Age Is..., il faut vous prévenir, atteint des sommets d’ennui, ce qui met à mal l’idée selon laquelle vieillir reviendrait à échapper à la tyrannie de la performance. Les chronomètres sont ici pulvérisés, les 75 minutes annoncées au compteur du film en paraissent 200 si ce n’est davantage. À l’arrivée, Age Is... n’est guère plus qu’un festival de cannes...
© LES FICHES DU CINEMA 2013
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