Synopsis
Avouons notre ignorance en papier glacé, avant de voir Mademoiselle C, que l’on pensait au mieux consacré à Mademoiselle Chanel, nous ne savions rien de Carine Roitfeld, pourtant grande prêtresse de la mode, officiant dix ans durant à la tête du Vogue France et fameuse inspiratrice, avec Tom Ford et Mario Testino, du porno chic (ou érotico-chic, comme elle préfère l’appeler) qui a envahi les pages magazines des années 1990. Une icône, donc. Les flashs qui crépitent, les talons de 12 qui pointent au bas des portières de grosses berlines et le maquillage smoky sous un brushing impeccable nous aident à comprendre notre parfaite ignorance : Carine Roitfeld est quelqu’un. Si un documentaire lui est aujourd’hui consacré, ce n’est pas tant pour que des gens comme nous rattrapions notre retard, mais pour accompagner la journaliste dans une nouvelle aventure : celle, forcément passionnante, de la création d’un nouveau magazine (féminin quand même). Mademoiselle C se détache ainsi de The September Issue, récent documentaire consacré à la numéro 1 en la matière (flashs qui crépitent, etc., etc.), Anna Wintour, rédactrice en chef du Vogue US. Ici, Carine Roitfeld la joue simple, et, de la même façon qu’elle ne montre jamais sa douleur dans les cours de danse classique qu’elle prend à domicile, elle ne laissera pas paraître qu’elle joue gros. C’est d’ailleurs un rêve pour tout directeur d’édition : l’argent ne semble pas être une donnée à considérer, tout juste en est-il question quand le budget est largement dépassé. C’est que la mode - du moins le luxe - est le seul secteur qui traverse paisiblement la crise - une crise qui touche tout particulièrement la presse. Mais Fabien Constant, le réalisateur à l’origine de ce projet de reportage - que les producteurs ont rapidement transformé en projet de cinéma -, est plus fan de mode que fan de presse. Son documentaire aligne donc les représentations imposées, et largement éculées, de l’imagerie de la mode : une musique techno donne le rythme à des défilés dont on aperçoit surtout les stars qui y assistent et les poses en coulisses ou aux repas de charité où il est là aussi, comme dans tout bar PMU, question de la fiscalité française qui étrangle. Largement «fan de», Fabien Constant ne prend pas beaucoup de distance avec son sujet, et assume assez ouvertement l’angle hagiographique de son travail. Nous lui reprocherons alors de favoriser un traitement de l’intime plutôt que d’approfondir le professionnalisme de la dame (comment, par exemple, elle a toujours considéré la mode comme l’art du beau dans le quotidien et non comme un espace de fascination inaccessible). Les seuls privilèges consentis au spectateur relèvent en effet d’une forme de making of verrouillé du nouveau magazine, modestement appelé CR. Verrouillé, car nous assistons aux prises de vues, moins aux prises de décisions. Or, c’est l’irruption des idées qui est passionnante dans ce métier. Alors, pour peu que l’aventure nous intéresse, nous broderons un scénario imaginaire qui fera passer le documentaire pour une bonne source d’inspiration.
© LES FICHES DU CINEMA 2013