Synopsis
La documentariste Marianne Lamour suit d’une caméra empathique, mais pas toujours très habile, les journalistes Danièle Granet et Catherine Lamour qui, tout en jouant les candides, cherchent subtilement à décrypter les mécanismes vertigineux d’un marché de l’art désormais globalisé. Elles ont, pour ce faire, suivi le calendrier des grandes foires internationales d’art contemporain et rencontré, sans en cacher ni les outrances, ni les errements, ni même parfois la grâce, collectionneurs, marchands et conseillers, de New York à Hong Kong, de Singapour à Miami, de Shanghai à Doha, de Dubaï à Bâle. Jouant sur l’ego surdimensionné des intervenants du marché (dont peu sont sympathiques), elles les incitent finement à livrer les mécanismes souterrains d’un système clos, à la mutation désormais rodée, très jaloux de ses secrets comme de ses réseaux et où la spéculation est reine. À l’heure où l’art contemporain est sorti de la haute culture pour devenir une catégorie du lifestyle et où la figure du galeriste est entrée dans la pop culture (les vernissages de Chelsea, à New York, apparaissent dans des séries comme Gossip Girl), ce documentaire dissèque les mécanismes de cette chaîne bien orchestrée où tout se tient (maisons de ventes, galeries et même musées) et où l’entre soi est la règle d’or. La réalisatrice et les journalistes reccueillent le témoignage de ces initiés et de ses nouveaux collectionneurs, hyper-milliardaires, qui ont bousculé un marché de l’art contemporain jusque-là orchestré par un petit réseau de professionnels. Ces nouveaux venus font désormais la pluie et le beau temps sur la cote des stars des enchères, tels Koons, Murakami ou encore Hirst dont les pièces se sont vendues à des prix qui défient l’entendement, tel son requin dans le formol (12 000 000 $) ou son «For the Love of God», réplique en platine d’un crâne incrustée de 8 601 diamants (100 millions de $). Ne peut-on légitimement reprocher à cette jet set de l’art, à des années-lumière d’une société durement frappée par la crise, de porter davantage la casquette de businessman que celle d’artiste ? Nous observons ceux qui ont «sapé l’ancienne aristocratie de l’art» tel Charles Saatchi. Ce grand publicitaire, dont l’écurie possède les artistes les plus chers du marché, a appliqué à l’art les méthodes qui ont fait de lui le roi de la pub, inventant la martingale à fabriquer des artistes stars dont la cote grimpe de Christie’s à Sotheby’s. Ainsi, lui et d’autres (tel Larry Gagosian, surnommé le Starbucks de l’art) ont-ils calqué leur fonctionnement sur celui de la mondialisation. Ce qui explique que la géographie économique de l’art ait changé pour suivre les flux financiers dont désormais, comme pour la finance, le centre de gravité se déplace vers les pays émergents au détriment des pays occidentaux. Ainsi, c’est à Doha que se construisent aujourd’hui les musées, et, dans ce monde si masculin, c’est la fille de l’Émir qui se trouve à la tête des investissements du premier acheteur d’art de la planète. Quant à Hong Kong, ce ne sont pas moins de 17 musées qui y sont en construction, ou en projet, et sur les 100 artistes les mieux payés de la planète, pas moins de 42 sont chinois !
© LES FICHES DU CINEMA 2013
