Synopsis
Musicien et interprète hors pair, André Le Meut est l’un des meilleurs «sonneurs» actuels de bombarde (hautbois) de Bretagne. Mais Dédé est aussi un personnage atypique, généreux et fantasque, parfois burlesque, habité par un amour inconditionnel du patrimoine culturel breton. Documentariste de renom, au cinéma comme à la télévision (Les Lip, l’imagination au pouvoir, 2007 ; Tous au Larzac, 2011), Christian Rouaud suit le parcours de Dédé depuis vingt ans (Bagad, 1994 ; Breteña, 2003). Avec Dédé dresse le portrait de cet homme qu’il admire, tant pour son allure, sa gestuelle, son charisme et son humour que pour sa fragilité et sa modestie. Né en 1964 à Ploemel dans le Morbihan, luthier à ses heures, Dédé partage son temps entre deux passions dont l’une est de faire chanter partout sa bombarde, seul ou accompagné, quand l’autre consiste à collecter toutes les formes de la culture musicale traditionnelle du pays vannetais, pour la valoriser et y puiser de nouvelles sonorités. Afin d’illustrer cette énergie communicative, la caméra emporte le spectateur dans le tourbillon des rencontres de cet irrésistible Monsieur Hulot : après avoir retrouvé, aux Archives départementales, une bande magnétique de chants des années 1950, il bat la campagne à bord de sa petite voiture rouge, à la rencontre notamment d’André Tanguy, fils de paysans, né en 1927. Il enregistre ses souvenirs de chansons de noces avant de rejoindre un joueur de biniou pour animer un mariage à la sortie d’une église et faire danser la gavotte aux invités. Afin de rompre une succession de scènes hyperactives, le réalisateur ponctue son film (tournage étalé sur un an et demi) de pauses plus calmes, vignettes émouvantes et souvent drôles : face caméra, Dédé, aîné de dix enfants, évoque ses souvenirs à la ferme de ses parents ou explique avec humour les différentes sortes de bombardes ; en sa présence, sa femme évoque tendrement leur première rencontre ; il fait travailler le calcul à son fils ou lui lit une histoire à son coucher ; il tond sa pelouse avec application ou se promène seul en forêt. Chez son éditeur, Dédé classe par thèmes et répertorie les 780 chansons et textes de 1910-1911 pour en composer des recueils à destination du public ; il inventorie aussi tous les acteurs de la culture celtique (parlant le breton couramment) et crée chez lui une banque de données sur Internet, pour le simple plaisir de transmettre. Mais Christian Rouaud invite surtout le spectateur à écouter la sonorité magnifique de la bombarde de ce musicien virtuose. Qu’il répète avec des jeunes, donne un concert dans une cathédrale accompagné au grand orgue ou fasse danser dans un fest-noz, Dédé a un phrasé incomparable qui force l’émotion et l’admiration. Le réalisateur pose un regard tendre et joyeux sur son personnage hors norme, peu à l’aise dans un corps trop encombrant. Complice, la caméra capte ses comportements et ses gestes parfois maladroits, sans jamais susciter le moindre ricanement. Bien au contraire, le spectateur attendri s’identifie avec bonheur à ce Jacques Tati breton, et partage avec le cinéaste l’empathie que suscite cet homme généreux.
© LES FICHES DU CINEMA 2013
Réalisateur