Synopsis
Premier long métrage de Céline Danhier, Blank City décrit, avec nostalgie, une période particulièrement créative de la fin des années 1970 et du début des années 1980, à New York. À cette époque, la musique indépendante était plus vivante que jamais, avec l’apparition de la No Wave, un mouvement basé sur la déstructuration, la dissonance et le refus des constructions mélodiques classiques (règles et état d’esprit proches de ceux du mouvement punk, qui lui est à peu près contemporain). Le street art, comme l’art moderne, n’étaient pas en reste non plus, portés, entre autres, par les complices Jean-Michel Basquiat et Andy Wharol. Dans le même mouvement, et souvent avec la participation des mêmes artistes, qui se connaissaient et s’aidaient mutuellement, le cinéma underground voyait le jour. Absence totale de budget, tournages en décors naturels, inventivité formelle et contenu subversif étaient souvent de mise. Durant quelques années, un collectif de peintres, musiciens, cinéastes, vivant souvent dans la plus grande précarité, dans le sud de Manhattan, ont partagé leurs idées et réuni leurs talents pour tourner un grand nombre de films, en Super 8 (le format pellicule de l’époque), projetés dans un cercle privé d’abord, avant qu’une ou deux salles ne soient spécialement créées pour les diffuser. Parmi ces jeunes talents, certains sont aujourd’hui méconnus, comme Amos Poe, le précurseur du mouvement underground, Nick Zedd, auteur d’un manifeste définissant une charte à suivre pour la réalisation des films, et dont les oeuvres devinrent de plus en plus expérimentales au fil du temps, ou encore James Nare, réalisateur, entre autres, de Rome ’78, un film en costumes sur la Rome antique tourné en plein New York, sur des lieux historiques pouvant créer l’illusion d’un décor adéquat (colonnades, obélisques...). Jim Jarmush, avec Permanent Vacation, puis, surtout, avec Stranger than Paradise, fut le seul réalisateur qui réussit à toucher le grand public, et par là même à donner une renommée au mouvement underground - renommée qui lui fut d’ailleurs fatale, entraînant des dissensions au sein du groupe, en faisant entrer le facteur financier, jusqu’alors totalement absent, dans l’équation. Mais, si le documentaire s’attache, à l’aide de très nombreuses images d’archives, à présenter ces auteurs et à montrer des extraits de leurs films, il dresse avant tout un portrait du Lower East Side des années 1980 : un quartier pauvre, jalonné de bâtiments en ruines, mais vivier nocturne de centaines de jeunes artistes persuadés de leur force, et plus que jamais décidés à faire vivre leurs passions, de concert en projection, de projection en exposition, d’exposition en soirées... Un petit monde, très soudé, où, plus encore que de faire circuler les idées, il s’agissait avant tout de les concrétiser, de leur donner vie. Au vu de l’époque actuelle, cette période apparaît comme un eldorado perdu, source d’autant de nostalgie que de fascination, partagées sans nul doute par la réalisatrice, Céline Danhier, qui a su retrouver, dans la réalisation de Blank City, un peu de l’énergie et de la spontanéité de ces années-là.
© LES FICHES DU CINEMA 2013