Synopsis
Comment oublier Divine, mythique égérie de John Waters ? Pour ceux qui n’auraient pas l’heur de la connaître, Divine était une drag-queen américaine de 140 kg, perpétuellement moulée dans des vêtements d’un kitsch absolu et arborant un visage découpé par des sourcils qui remontaient sur la moitié de son crâne à demi-rasé, étrange mélange de nonsense, de provocation trash, de burlesque extravagant, tout à tour chanteuse de disco, artiste culte de la scène underground et, c’est dit, muse de John Waters. Divine - Harris Glenn Milstead de son vrai nom - naît à Baltimore en 1945. Enfant sage et grassouillet affidé à la messe, Harris est, à l’école, sujet à moqueries. Ses relations sont plus paisibles en revanche avec sa première petite amie, qu’il prend plaisir à maquiller. En 1962, à l’âge de 17 ans, il fait la connaissance de John Waters. Rapidement inséparables, les deux hommes partagent un goût prononcé pour la marijuana, une passion pour les films de Russ Meyer ou le Freaks de Tod Browning et, tout en mâchonnant du LSD, découvrent ensemble l’oeuvre d’Ingmar Bergman. Peu après, Milstead rencontre son mentor, en la personne de David Lachory, qui l’initie au travestissement. Ainsi devient-il tout à la fois Divine et la muse de Waters. En 1968, ils tournent Eat Your Makeup où, dans une reconstitution de l’assassinat de Dallas, Divine interprète Jackie Kennedy. Le ton est donné. Fasciné par les sex-symbols hollywoodiens, de Marilyn à Liz Taylor, en passant par Jayne Mansfield, Divine, en se travestissant, leur rend hommage à sa manière, se muant, en quelque sorte, en leur double obscur et baroque. Il faut attendre 1972, et la sortie de Pink Flamingos, pour que Divine accède enfin à la notoriété. Le film, véritable écrin pour "la personne la plus immonde du monde", devient culte, en vertu de la dernière scène où Divine, encouragé par les promesses de célébrité de Waters, déguste un étron canin fraîchement déposé sur le trottoir... Divine, sorte d’ange du bizarre, fait peu à peu figure de proue d’une Amérique parallèle, fascinée par les tueurs en série et le mauvais goût. Elle fréquente le Studio 54, pond quelques singles discos à succès et monte sur les planches à Broadway, dans des spectacles sur mesure... Évidemment, Warhol ne peut s’empêcher, le temps d’une photo, de la rencontrer, David Hockney de peindre son portrait. Or Milstead, qui n’a jamais voulu être une femme, ne se travestit pas en dehors de ses activités professionnelles et aspire à des rôles d’hommes. En 1988, ironie du sort, il meurt d’une crise cardiaque alors qu’il vient d’obtenir un rôle masculin récurrent dans la série à succès Mariés, deux enfants. Qui était vraiment Harris Glenn Milstead ? Nous n’en saurons pas plus. Le film ne donne la parole qu’aux admirateurs de cette personnalité hors normes qui, fatalement, contribuent à la fâcheuse tendance hagiographique de ce genre de documentaires. Jeffrey Schwarz brosse un portrait chronologique, amoureux et malheureusement trop sage de Divine, alors que Milstead, personnage fragile et tourmenté, semblait en quête de tout autre chose. _P-J.M.
© LES FICHES DU CINEMA 2014