Synopsis
Sélectionnés et primés dans de multiples festivals, les courts et moyens métrages de Bertrand Mandico séduisent aussi la télévision (Arte, Canal+, France 2) par leur inventivité poétique polymorphe (textes, photos, dessins, colloques, musiques). La sortie en salle de deux d’entre eux, Boro in the Box et Living Still Life (drames fictionnels fantastiques, documentaires iconoclastes ?) se focalisent sur les états corporels de son actrice américaine fétiche, Elina Löwensohn, d’origine roumaine, avec laquelle il partage son goût pour les performances et installations plastiques. Dans Boro in the Box (présenté en 2011 à la Quinzaine des Réalisateurs), le réalisateur imagine de manière fantasmagorique la vie du cinéaste polonais Walerian Borowczyk, dit Boro, connu pour son cinéma érotique, dont le cinquième volet de la série Emmanuelle. Déclinant la biographie de l’artiste sous forme d’abécédaire, il part de sa naissance en Pologne, jusqu’à sa mort cinématographique à Paris. "Je m’appelle Boro, j’ai vécu toute ma vie dans une boîte trouée" : ainsi débute le récit, narré en voix off à la première personne par Elina Löwensohn et tourné dans un Noir & Blanc très contrasté. En préambule, l’image d’un arbre tentaculaire dénudé, comparable à l’univers de Jean-Michel Folon, est décoré par des femmes nues suspendues telles des boules de Noël, et dont le tronc représente le visage animé de Boro. D’emblée, le spectateur est saisi et désarçonné par l’imaginaire surréaliste de Mandico, qui triture la matière cinématographique pour en briser les genres et les codes, comme le fit Cocteau en son temps. A, comme "avant ma naissance en Pologne..." ; B, pour la bestialité de la conception de Boro, né du viol de sa mère par un soudard, "rencontre d’une fleur et d’un papillon". Déception de celle-ci, accouchant dans la rivière d’un fils avec une tête en forme de boîte en bois, qui interprètera, sa vie durant, un monde extérieur érotisé à travers son oeilleton unique. Une explosion d’images poétiques hallucinantes que des esthètes avertis apprécieront... Dans Living Still Life, "l’animation est l’illusion de la vie" dit Elina Löwensohn, face caméra, s’adressant au public. Dans un monde en déliquescence, illustré par un paysage hivernal désolé et battu par les vents, Fièvre, une femme mystérieuse, collecte des animaux morts. Sans un mot, elle redonne vie à ses natures mortes en les filmant tels des photogrammes - la scène du cheval noyé suspendu dans les airs, au-dessus des eaux, étant d’un réalisme impressionnant. Fièvre reçoit un jour la visite d’un homme en deuil dont on comprend qu’il lui demande de filmer le cadavre de sa femme. Elle se met aussitôt au travail et met en scène le corps nu de la défunte, les cheveux disposés en étoile autour de sa tête. Imperméable aux modes cinématographiques du moment, Mandico s’adonne avec jubilation à ses expérimentations visuelles à travers les aventures sensitives de ses personnages. Inclassables, ses rêveries fantasmées, filmées sans prises de son directes ni scénarii formatés, embarquent le spectateur cinéphile dans un univers fantastique terrible et merveilleux à la fois. _M.T.
© LES FICHES DU CINEMA 2014
