Synopsis
Au matin de son vingt-millième jour sur Terre, Nick Cave, auteur, compositeur, interprète, écrivain et scénariste, se regarde dans la glace de la salle de bains. Il a l’impression d’être un cannibale, un être qui métabolise les faits de son existence en matière créative. Ce film en est à la fois le témoignage et l’illustration. Donc, ce jour-là, comme tous les autres jours, il écrit. Une voix mécanique lui énumère les principaux rendez-vous d’une journée qui, au fur et à mesure de son écoulement, semble contenir les 19 999 précédentes. Une journée particulière qui débute dans le cabinet de Darian, un psychanalyste. Nick se souvient d’une enfance heureuse, marquée par des expériences diverses, comme le travestissement féminin. Il se rappelle un père silencieux, témoin discret de ses premiers pas musicaux et disparu trop tôt. En voiture, dans les rues de Brighton, son port d’attache depuis des années, se succèdent différentes apparitions qui dialoguent avec lui. Chacune livre son regard sur un aspect de son travail : l’intensité de sa présence scénique, le mystère de sa communion avec des anonymes, l’importance de la collaboration artistique. Ponctuant l’emploi du temps chargé de cette journée, Nick Cave conduit les sessions d’enregistrement de l’excellent album Push the Sky Away avec les Bad Seeds, son groupe depuis toujours. En début d’après-midi, nous l’accompagnons aux Archives. Dans ce lieu mémoriel sont inventoriés des documents illustrant différentes étapes de sa vie : des photos d’enfance, de nombreux carnets renfermant de curieuses monomanies, des échos de sa collaboration musicale avec Kylie Minogue. À la fin, le spectateur se rend compte qu’il a vu un remake inavoué de Hard Day’s Night de Richard Lester, avec une seule star au lieu de quatre, où se mêlent ici aussi la fiction et le documentaire. Dans les deux cas, il s’agit de nous faire croire que, d’une star, nous pouvons partager l’intimité durant vingt-quatre heures. Ce procédé, déjà éculé bien avant In Bed With Madonna, est pourtant transcendé par ce qui est à ce jour la meilleure prestation à l’écran du rocker australien. En effet, il tient ici son plus beau rôle : le sien. D’une classe infernale, authentique sans être exhibitionniste, transfigurant une session d’enregistrement en moment de cinéma d’une grande intensité, le sujet est à la hauteur de l’immodestie du projet. Il nous fait oublier tout le côté artificiel du dispositif. Son intuition de ce qui passe ou pas à l’image se révèle très pertinente. Une caméra à la bonne distance et une construction musicale faite de répétitions et de variations rendent le personnage sincère et touchant devant le "psychanalyste", humain quand il reconnaît mais ne regrette pas ses erreurs, magnétique quand il est sur scène. Plus soucieux d’être compris que d’être aimé, Nick Cave inventorie, avec les réalisateurs, les moments biographiques, les éléments matériels et artistiques qui ont contribué à une démarche artistique d’une cohérence totale depuis plusieurs décennies. À moins que la fiction n’ait été aussi mise à contribution pour donner cette impression... _J.C.
© LES FICHES DU CINEMA 2014
