Synopsis
En 2012, la documentariste Laura Poitras reçoit des mails cryptés d’une source s’abritant derrière le pseudonyme de "citizenfour". L’individu en question, Edward Snowden, 29 ans, ancien employé de la CIA et consultant pour la NSA, lui donne rendez-vous quelques semaines plus tard - ainsi qu’au journaliste du Guardian Glenn Greenwald - dans une chambre d’hôtel, à Hong-Kong. Plusieurs jours durant, il leur révèlera, en détail, l’existence et le fonctionnement de programmes mis au point par la NSA (l’Agence Nationale de Sécurité américaine) pour orchestrer, à l’échelle planétaire, la surveillance des communications analogiques et numériques. Le scandale est immédiat. Snowden, lui, n’ignore rien des risques qu’il encourt ; son identité sera découverte, c’est une question de temps, de jours peut-être. Mais, soucieux de montrer qu’il ne se sent coupable d’aucun des chefs d’accusation qui, bientôt, lui seront reprochés, il accorde à Greenwald un entretien à visage découvert. "Ce qui doit arriver arrive", "Si je suis arrêté, alors je suis arrêté", répète-t-il quelques jours plus tard, tandis qu’il s’apprête à fuir le pays. Le 21 juin 2013, les États-Unis l’attaquent, effectivement, en justice, au nom de l’Espionage Act, et demandent son extradition. Il se verra par la suite accorder l’asile politique en Russie. La fiction a beau s’être depuis emparée de cette affaire (la série d’A. Sorkin The Newsroom en a fait l’un des arcs narratifs de sa troisième saison), ce que donne à voir le film de Poitras est unique. Techno-thriller paranoïaque se jouant essentiellement en huis clos, programme de téléréalité à l’unique protagoniste - sitôt révélé, le visage du lanceur d’alerte envahit les écrans du monde entier -, film de guerre en sourdine (Snowden ou Assange, retranchés en chambre ou en ambassade, se trouvent en vérité au milieu du théâtre des opérations) : Citizenfour est tout cela à la fois. Mais il est surtout le tableau d’un monde rongé par le soupçon, soupçon dont il devient délicat d’évaluer la légitimité, au risque de sombrer dans la paranoïa. La surveillance de tous, à tout instant - et non plus des seuls individus suspectés, par exemple, d’être liés à des entreprises terroristes -, outre qu’elle semble relever de la manie, n’est pas loin d’en induire une chez ses victimes avérées ou potentielles. Au cours d’un entretien avec Greenwald, une alarme d’incendie se déclenche dans l’hôtel, Snowden se crispe : quelque temps plus tôt, il s’est servi du téléphone de sa chambre. La NSA aurait-elle intercepté la communication ? S’apprête-t-on à l’interpeller ? Plus tard, Greenwald, craignant à son tour d’être sur écoute, tend à Snowden des morceaux de papier sur lesquels il a noté de nouvelles révélations, dues cette fois à un autre lanceur d’alerte. Poitras capte alors l’air hébété de Snowden - à lui aussi, les proportions de l’affaire semblent avoir échappé -, avant de glisser sur cinq lettres griffonnées à la hâte : "POTUS" (les initiales de "President of the United States", sous-entendant, on le devine, la possible compromission d’Obama). Le climat de suspicion qu’instaure la scène n’a alors rien à envier à l’Ennemi d’État de Tony Scott.
© LES FICHES DU CINEMA 2015