Synopsis
Asif Kapadia aime les défis : après avoir évoqué, en moins de deux heures, la carrière du pilote de Formule 1 Ayrton Senna sans en négliger le moindre élément, le voici qui se confronte à un autre type de figure. Dans Amy, le cinéaste entreprend de dresser le portrait d’une célébrité musicale : Amy Winehouse, chanteuse et compositrice disparue à 27 ans, en juillet 2011, suite à une intoxication alcoolique. Le réalisateur adopte le même système que dans Senna, en s’appropriant des images d’archives - souvent tournées par la chanteuse elle-même, ses plus proches amis ou son mari de l’époque - pour raconter chronologiquement un destin inspirant mais tragique : celui d’une jeune artiste issue d’un milieu populaire, que rien n’avait préparé pour l’encombrante célébrité qui lui tomba dessus, et qui ne sut jamais gérer son entourage. À l’écran, Amy Winehouse passe lentement du statut de jeune adolescente fraîche et un peu naïve à celui de vedette, puis de star mondiale. Kapadia passe en revue toutes les étapes de son parcours, des toutes premières années, où l’écriture et la chanson semblent être des hobbies adolescents, à son premier contrat professionnel (décroché grâce à un ami de longue date, Nick Shymansky, qui devint son premier manager et fut, finalement, son seul homme de confiance). La carrière d’Amy prend lentement son envol. Mais sa passion pour la musique sera en permanence perturbée par ses déboires sentimentaux. Sa rencontre avec Blake Fielder-Civil sera déterminante, sur le plan artistique autant qu’intime. Lorsque ce dernier quitte Amy pour retourner avec une ex-compagne, la douleur lui inspire la chanson titre de l’album qui lui apportera la gloire : Back to Black. Blake épouse Amy en 2007, ils divorceront en 2009. Dans l’intervalle, ils auront fait la Une des tabloïds pour leurs frasques alcoolisées ou sous substances illicites, un séjour raté pour une désintoxication, et Blake aura purgé une peine de prison. Kapadia accompagne son montage des témoignages de tous les proches de la chanteuse : du père, Mitchel - absent pendant son enfance et qui devint omniprésent dès ses premiers succès - à Blake Fielder-Civil, en passant par ses amis d’enfance. Le portrait qui s’esquisse est celui d’une artiste entière, passionnée par le jazz, dévorée par ses démons et son rapport aux hommes, qui la firent basculer dans les abus. Loin de l’hagiographie, le film met en évidence les erreurs de la jeune femme - comme son éloignement de Nick - ainsi que son caractère difficile, sensible et farouchement indépendant. Amy montre également, plus subtilement, l’influence néfaste qu’eurent sur elles les deux hommes les plus importants à ses yeux : un père de mauvais conseil, un mari qui l’entraîna dans les drogues dures... Autant d’éléments que Kapadia dissémine tout au long d’un film construit comme le portrait, non pas d’une star, mais simplement d’une artiste, dont le talent éclate avec évidence à l’écran. Le cinéaste impose sans doute ici une vision moins forte sur son sujet que dans Senna, mais Amy n’en est pas moins un très bel hommage à une personnalité complexe et somme toute terriblement humaine. _Mi.G.
© LES FICHES DU CINEMA 2015