Synopsis
Nous avons tous été confrontés aux clauses de confidentialité des sites en ligne, de Google à Amazon via YouTube. Peu d’entre nous les ont lues et, à plus forte raison, ont compris les pièges qu’elles recèlent. Pour l’avoir constaté lui-même, Cullen Hoback a eu l’idée de ce documentaire. Dans la lignée polémiste d’un Michael Moore, il dresse un procès à charge et analyse les dangers qui nous guettent, sur un rythme alerte et par le biais de témoins soigneusement choisis : Harvey Anderson (de la fondation Mozilla), Sherry Turkle (sur l’impact social des nouvelles technologies), Barrett Brown (leader officieux des Anonymous, en attente de son procès) ou encore Eli Pariser (activiste de gauche, cofondateur d’Avaaz). Usant d’images d'archives, de films pour enfants ou de vidéos pédagogiques, il développe deux axes plus liés qu’il n’y paraît : l’économie générée et préemptée par les multinationales du web et leur connivence avec les grandes institutions étatiques, notamment policières et militaires. L'enjeu : notre vie privée. Ainsi, nos activités rapportent à ces "loups du web" 250 milliards de dollars par an, somme sur laquelle nous ne touchons rien alors que nous fournissons tout (données personnelles, habitudes d’achats, photos, etc.). Plus révoltant encore : depuis le Patriot Act institué par Bush en octobre 2001, les lobbies ont réussi à faire supprimer tous les obstacles protégeant nos données (facilitant ainsi leur commerce) et ont accepté, en contrepartie, de coopérer avec les agences d’État, leur simplifiant le travail puisque ces dernières sont astreintes à des formes légales de surveillance échappant au secteur privé. C’est ainsi que Joe Lipari, un scénariste qui avait cliqué quelques mots-clés délicats pour écrire une série TV policière, s’est retrouvé avec le FBI chez lui. "Nous nous sommes laissés séduire, confie Sherry Turkle, maintenant, il est trop tard". Pas pour tout le monde, visiblement : le pourfendeur numéro 1 de la vie privée, Mark Zuckerberg, refuse d’être filmé, sauf quand il le décide. Néanmoins, pour clair, incisif et édifiant qu’il soit, ce documentaire a les défauts de ses qualités : si les dangers du web sont bien décodés, le réalisateur en évacue dans le même temps les atouts : métiers créés, vies sauvées, personnes qui se sont retrouvées après des décennies, etc. Ensuite, ce qu’il dénonce semble souvent propre à la structure de la société américaine, où ce qui relève de la vie privée est défini de façon très imprécise. On sait aussi, désormais, que ces groupes (Google, Amazon...) accumulent et communiquent nos données. Mais quid de leurs liens avec les institutions d'État dans le reste du monde en général, en Europe et en France en particulier ? On aurait aimé en apprendre un peu plus, même si l’actualité récente donne des signes guère rassurants quant à ce qui nous attend chez nous... Il n’en reste pas moins que ce documentaire s'inscrit dans la lignée de films tels que Google, la machine à penser (2014) ou Ma vie à poil sur le web (2010), et fait figure de sérieux lanceur d’alerte, nous rappelant que non seulement rien n’est gratuit sur la toile, mais aussi que la note risque d’être très lourde.
© LES FICHES DU CINEMA 2016
