Synopsis
Comment se nourrir sainement sans se ruiner ? Quel est le prix juste d’un produit ? Une autre agriculture, privilégiant la qualité sur la quantité, est-elle économiquement viable ? Regards sur nos assiettes tente d’apporter des réponses claires et argumentées à ces questions de fond, que la crise écologique et économique rend chaque jour un peu plus cruciales. Le réalisateur Pierre Beccu a confié les rênes de ce film à un groupe d’étudiants de l’École supérieure européenne d’ingénierie de l’espace rural. C’est sans doute ce qui permet à l’enquête de rester informative et de ne pas tomber dans l’habituel "storytelling" écolo. Le travail de ces étudiants relève tout simplement du bon journalisme. Ils interviewent, vérifient les données, analyses et expliquent. Ils nous apprennent ce qui fait le prix d’une tomate, comment se passent les achats des cantines scolaires, les différences entre bio véritable et "bio intensif", entre vraie et fausse production locale, que les boulangers ne connaissent plus l’origine de leur farine, qu’il y a des trucs pour faire aimer les choux de Bruxelles aux enfants, que la Pac est une catastrophe ou encore que la traction animale va revenir à la mode… Plutôt que de s’acharner à énumérer les innombrables méfaits de la grande distribution et de l’Union européenne, dont plus personne de sain d’esprit ne doute aujourd’hui, le film s’attache à identifier les mécanismes économiques imbéciles et à leur opposer des alternatives crédibles. On passe donc beaucoup plus de temps à écouter des paysans qui ont fait le choix de la qualité et du contact humain qu’à traquer tous les vices d’Auchan ou Carrefour. On pourra reprocher à ce documentaire de ne pas être un film de cinéma. Oui, c’est vrai, l’enjeu ici n’est pas esthétique. Mais la projection en salle aura peut-être l’avantage d’attirer plus l’attention qu’une diffusion sur France 3 en troisième partie de soirée. Bien sûr, Regards sur nos assiettes est de parti pris. C’est un film politique. Il soulève des questions tant économiques que sanitaires, géographiques, sociales et techniques. En donnant la parole à des paysans et à des élus, ces étudiants fournissent à leur sujet sa véritable épaisseur. Comment fait-on pour produire et consommer autrement, de façon saine, durable et humaine ? On ressort de la projection assez convaincu qu’une organisation différente est non seulement souhaitable mais possible, absolument pas utopique et même déjà en marche ici et là. Il est assez remarquable qu’un groupe d’étudiants parvienne à expliquer et à convaincre bien mieux que la tripotée de films apocalyptiques de ces dernières années. Peut-être est-ce parce qu’ils se sont précisément limité à leur sujet, nos assiettes et ce qu’il y a derrière, et ne sont pas partis dans de hautes sphères théoriques et spirituelles. Si une certaine conception de la société et de la nature émerge des paroles de la plupart des intervenants, on ne tombe jamais dans le salmigondis New Age. On peut regretter que le film ne s’intéresse à aucun moment au végétarisme, mais le sujet mériterait un développement à lui seul. Un beau travail, utile et jamais ennuyeux.
© LES FICHES DU CINEMA 2015
Réalisateur