Synopsis
Et s’il avait eu raison ? Et si Martin Armstrong était la Cassandre que ses contemporains ne voudraient (ou ne pourraient) pas écouter ? Et si, le 1er octobre 2015, comme le prédisait l’analyste américain, la planète financière avait subi une crise d’une puissance inégalée ? C’est sur ce faisceau d’hypothèses que se base ce documentaire allemand consacré au milliardaire. Après avoir étudié la récurrence de cycles économiques dans les trois derniers siècles - comme le Russe Nikolaï Kondratiev l’avait fait quatre-vingt-dix ans avant lui -, l’homme a établi un schéma mathématique complexe postulant que le nombre pi serait la clé de voûte d’un système permettant de prévoir de manière exacte la résurgence des crises économiques. À première vue, la démonstration est, disons-le franchement, en tous points impressionnante. D’après Martin Armstrong, le 1er octobre, "un Big Bang des dettes souveraines" aurait dû avoir lieu. Ce devin de la finance annonçait donc un véritable cataclysme aux effets dévastateurs à travers le monde. Avec sa musique angoissante, son montage digne d’un polar, le film verse volontiers dans le complotisme. D’autant que certains faits que rapporte l’analyste - en particulier la mort suspecte d’Edmond Safra, un banquier israélien, en 1999 et les menaces qui auraient pesé sur Boris Eltsine (expliquant son retrait de la vie politique en l’an 2000) - et les théories qu’il développe autour sont largement discutables et pourtant bien trop peu discutés. Le reproche principal que l’on peut formuler à l’encontre de ce documentaire est d’ailleurs qu’il ne laisse pour ainsi dire aucune place à des points de vue autres que ceux de ses proches. L’absence de commentaire, donc d’accompagnement pour le spectateur, crée un malaise. Doit-on ou non croire cet homme qui n’est pas présenté comme un escroc mais qui pourrait très bien en être un ? Rien n’empêche ici de penser le contraire. En donnant la parole à Martin Armstrong, à sa famille et à ses proches, on crédite ce personnage d’une aura de gourou. Conférencier, il sait parfaitement prendre par les sentiments un auditoire aussi subjugué par son talent d’orateur que bouleversé par le contenu de ses prédictions. À partir de généralités sur l’économie ("Nous savons tous qu’il y a un problème : on ne peut pas emprunter éternellement sans avoir à rembourser un jour", pas besoin d’avoir fait HEC pour le comprendre), il pérore face à un public de fidèles totalement acquis à sa cause et auprès de qui il n’a plus du tout besoin de prêcher sa bonne parole en essayant de convaincre. L’absence de contrepoint est flagrante. Par exemple, les raisons qui ont poussé la justice américaine à condamner Armstrong, en 1999, à sept ans d’emprisonnement restent extrêmement floues. Et c’est loin d’être anodin. Le documentaire affiche clairement son but : réhabiliter l’image d’un homme. Car celui-ci avait été condamné pour avoir mis en place un montage financier frauduleux, un système de Ponzi. L’Oracle semble donc donner à voir une sorte de faux prophète. Une figure providentielle autoproclamée, de celles qui donnent au cinéma certains de ses meilleurs personnages.
© LES FICHES DU CINEMA 2015
