Synopsis
Voilà, cette fois "ils" sont là. "Leur" vaisseau a atterri en Europe. Les Terriens "les" ont tellement fantasmés, "les" ont, tour à tour, tant espérés et craints. "Ils" : les extraterrestres, les Martiens, les aliens. Le vocabulaire ne manque pas pour désigner ces êtres que, depuis des milliers d’années, les habitants de notre planète n’ont cessé d’imaginer et auxquels, comme le rappellele film, nous avons envoyé, via la sonde Voyager en 1977, une compilation de ce que le génie humain avait produit de meilleur. En vain... jusqu’ici ! Après Into Eternity, son documentaire singulier sur l’enfouissement de déchets nucléaires en Finlande, le réalisateur danois Michael Madsen poursuit une trilogie dont - quand bien même il affirme que, pour lui, la venue d’extraterrestres relève du "quand" plutôt que du "si" - le fil rouge est à l’évidence l’exploration globale de la psyché humaine sur le long temps. Hypothèse de travail, la présence d’êtres venus de l’espace lui suggère une batterie de questions pragmatiques et fondamentales qu’il soumet à des experts de la Nasa, une psychologue, un théologien, des militaires, une ancienne porte-parole du gouvernement britannique, des spécialistes des Nations unies... qui ont bien voulu se prêter au jeu du "que fera-t-on réellement ?" Par une caméra suggestive mouvante, Michael Madsen se (et nous) place dans la peau du visiteur, ressenti comme une entité flottante, surplombante, observatrice et muette. De nombreuses séquences présentent les humains vaquant à leurs activités quotidiennes dans un ralentiles faisant paraître bien lents à cet "extraterrien", de facto plus évolué puisqu'il est parvenu jusqu’à nous ! Un parti pris peut-être judicieux esthétiquement, mais qui obère ce que le propos avait de stimulant et entre en contradiction avec un continuo anxiogène de sourdes nappes sonores. Les questionnements soulevés sont, en revanche, pertinents, qui vont de la simple application de protocoles sécuritaires, diplomatiques et médiatiques, à de vertigineuses réflexions métaphysiques, en passant par une naturelle et légitime curiosité. D’où venez-vous ? Pourquoi chez nous ? Êtes-vous hostiles ? Avez-vous atteint l’harmonie ?... Au mutisme des extraterrestres, les intervenants successifs réagissent par des analyses nourries de leurs expériences personnelles et professionnelles. Michael Madsen met aussi en scène la visite du vaisseau d’une manière poétique, sorte d’antithèse visuelle de l’univers clinique de 2001 : L’Odyssée de l’espace, avant de faire partir, sans autre forme de procès, ses étranges visiteurs, laissant les humains désemparés, sans réponses et renvoyés à leur solitude interstellaire. Réalisé avec un budget sans doute limité, The Visit (à ne pas confondre avec celle de M. Night Shyamalan) recèle, sous une forme originale et parfois séduisante, quelques ouvertures à une pensée inédite surle vivant et l’humain. Cependant, la qualitédes intervenants, peut-être moins exceptionnelle et éminente que ne l’annonce le dossier de presse, n’est pas toujours à la hauteur de l’enjeu scénaristique et intellectuel. Disons, à leur décharge, que l’exercice n’était pas aisé.
© LES FICHES DU CINEMA 2015
