Synopsis
Ce troisième documentaire animalier coréalisé par Jacques Perrin a pour sujet les habitants de la forêt primitive de l’hémisphère nord : chevaux, bisons, lynx, chouettes... Soit une soixantaine d’espèces, dont le film s’efforce d’adopter le point de vue : l’oeil du réalisateur affronte ici l’oeil de l’animal. Et le montage, très efficace, nous incite ainsi à l’empathie envers cette biche et son faon qui vient de naître, ou encore envers cet écureuil qui court se cacher dans son arbre quand il sent venir la tempête. Voir l’orage s’abattre sur la forêt du haut d’un arbre depuis le nid de l’écureuil, ça ne se voit habituellement que dans les dessins animés. Ici, on découvre le caractère réellement anthropomorphe de l’animal doué de sensibilité. Cela transparaît dans les regards, les courses, les combats, les tremblements. Sa férocité est criante lors d’un combat de chevaux. La peur du sanglier chassé par un loup est palpable dans sa course. Le projet de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud est de montrer les animaux dans leur habitat, la forêt, suivant le rythme des saisons, et de montrer comment ce lieu de vie a été transformé trop rapidement par l’homme alors que naturellement, la forêt n’a pas changé pendant 20 000 ans. C’est donc l’angle historique qu’ils ont choisi pour étudier la vie animale sur terre, choix logique après avoir filmé les espèces de l’air et de l’eau dans Le Peuple migrateur puis Océans, et surtout ambitieux, parce qu’ils retracent la fin de l’ère glaciaire et l’évolution des saisons sur des milliers d’années. Pour étayer ce propos, les images ne suffisent malheureusement pas : une voix off introduit le sujet et explique qu’après la période de la glaciation, les eaux montèrent de 120 mètres, et que peu à peu apparut la forêt, où évoluèrent faune, flore et hommes. En plein Paléolithique, il y a 20 000 ans, ce fut le début de l’âge d’or de la forêt, à l’époque des chasseurs-cueilleurs. Les réalisateurs donnent à voir l’extraordinaire beauté du monde animal dans ce milieu (comme l’avait déjà fait Luc Jacquet dans Il était une forêt), puis développent à partir de là un discours sur ce que nous autres, les hommes, avons fait de cette nature, en insistant sur le fait qu’il est encore temps de la respecter. Les Saisons impressionne par la richesse de ses images, filmées principalement dans quinze régions françaises, mais aussi aux Pays-Bas, en Pologne, en Roumanie, en Suisse, au Royaume-Uni, en Norvège et aux États-Unis. En revanche, les séquences de reconstitution de l’intervention de l’homme, même si elles ont un intérêt pédagogique, font perdre de sa splendeur au documentaire. De l’ère préhistorique à nos jours, l’homme, qui a apprivoisé le loup et le cheval, a transformé l’habitat primitif des animaux, de plus en plus - et trop - rapidement. Les Saisons invite à faire attention et, en évitant de s’enfermer dans le pessimisme culpabilisateur et sans issue, montre qu’il n’est pas trop tard. Dans Le Sel de la terre, le film de Wim Wenders sur Sebastião Salgado, il nous était donné de le constater : la reforestation, c’est possible. À quand un film sur la reforestation de la Beauce ?
© LES FICHES DU CINEMA 2016