Synopsis
Que serait notre vie sans l’odorat ? Pour Kim Nguyen, ce sens est le "déclencheur essentiel" de nos vies émotionnelles. C’est pour cette raison qu’il fait de son documentaire un retour aux origines : l’odorat est associé à notre nature primitive, témoin de notre animalité. Si les odeurs sont un guide vers le plaisir, c’est qu’elles sont liées à l’instinct de survie : elles nous aiguillent vers ce qui est bon pour nous. On parle beaucoup de désir sexuel, que ce soit à travers l’intervention d’un ramasseur de truffes italien qui qualifie le champignon de "viagra naturel", ou celle d’un parfumeur allemand qui a développé Vulva Original, parfum qui, comme son nom l’indique, sent le vagin... De manière moins cocasse, le film parle de phénomènes connus de tous : la place des senteurs dans l’attirance homme-femme ; l’analogie que l’on fait entre une odeur et une personne, un lieu, un instant... L’Odorat est une oeuvre remplie d’émotion et de poésie. Émotions des intervenants qui décrivent leurs expériences proustiennes (une fleur qui renvoie à du chocolat, du tabac qui rappelle un père...), poésie des anecdotes (des vents bretons venus d’ailleurs, du vin aux mille et une saveurs, des fleurs amoureuses...). L’enthousiasme des personnages à propos de leur métier est touchant, comme celle du jeune parfumeur marocain passionné par le safran et son pouvoir d’attraction, ou de l’auteur qui considère Chanel N°5 comme "la plus grande oeuvre d’art moderniste toutes disciplines confondues". Le documentaire remplit son contrat dans son côté instructif mais, et cela peut être frustrant, les propos n’entrent jamais dans des détails spécifiques. Autre bon point, la touche d’humour amenée par certaines anecdotes : celle du crabe qui a le coup de foudre pour une truffe, ou le débat concernant l’origine de l’ambre gris (caca ou vomi de baleine ?). Hélas, l’expérience olfactive qui accompagne la projection n’apporte pas grand-chose. Les odeurs diffusées sont la plupart du temps déconnectées de ce qui est dit à l’écran : on apprécierait par exemple de sentir au moins une fois le parfum de la truffe. Les senteurs sont envahissantes, et ôtent la place qui aurait pu être laissée à l’imagination du spectateur. Dans l’ensemble, L’Odorat paraît donc un peu inabouti : les 84 minutes semblent courtes, certains propos auraient gagnés à être approfondis. Le sujet est bien posé, mais n’est pas exploité à fond. Cependant le film fonctionne plutôt bien car le montage, dynamique, alterne entre les différents protagonistes sans nous laisser le temps de nous ennuyer. Mais il lui manque une conclusion. Si le réalisateur affirme avoir essayé d’intégrer une "arche dramatique", on a du mal à la percevoir... En fait, elle repose sur Molly Birnbaum, qui a perdu son flair suite à un accident, et avec laquelle s’ouvre et se referme le documentaire : la bande-annonce le qualifie de "quête pour retrouver l’odorat", mais il ressemble plus à un assemblage d’informations concernant le sujet. Toutefois, en sortant, on se surprend à prêter une attention plus grande aux odeurs qui nous entourent, et en ce sens, cette oeuvre a le mérite de marquer son public.
© LES FICHES DU CINEMA 2016
