Synopsis
À la fin des années 1940, naquit à Ann Arbor, Michigan, dans une famille de la classe moyenne, James Osterberg, plus connu sous le nom d’artiste d’Iggy Pop. En quête de sensations fortes, il fonda, avec l’aide de quelques amis désoeuvrés, de drogues plus ou moins douces et d’instruments électriques rudimentaires, le groupe The Stooges, monument indépassable d’inventivité et d’intensité dans le domaine de l’outrage sonore. Avec The Velvet Underground et MC5, il contribua au mouvement d’insurrection bruitiste contre l’hégémonie culturelle du Flower Power. Après deux albums essentiels parus en 1969 et 1970, dont le premier fut produit par John Cale, et des prestations scéniques proches de la performance jusqu’au-boutiste, le groupe sombre une première fois en 1971. David Bowie, grand admirateur de l’Iguane, le sort de l’impasse, et lui permet de réaliser un troisième chef-d’oeuvre en 1973 : Raw Power (qui contient la chanson-titre du documentaire). Les drogues ne tardent pas à reprendre le dessus, et le groupe est mis en veille jusqu’en 2003. Entre-temps, Iggy a mené une carrière solo inégale et dense, et a incendié les scènes du monde entier. Durant les années 2000, les Stooges ajouteront deux chapitres supplémentaires et superflus à leur discographie. Les différents membres originels s’éteignent, et l’aventure semble définitivement terminée. Il y a quelques années, Iggy Pop, proche de Jim Jarmusch, lui demande de réaliser un documentaire sur le groupe. Sentant que, le temps passant, la mise en chantier d’une histoire des Stooges au cinéma est inéluctable, il préfère garder le contrôle du projet et en confie la réalisation à son ami cinéaste, lui aussi musicien, grand fan et connaisseur du groupe. Le classicisme du traitement, fondé sur une succession d’interventions des protagonistes face caméra, respectant une chronologie historique, peut étonner de la part du réalisateur de Paterson, mais on comprend progressivement l’humilité de la démarche : il ne s’agit pas, pour le réalisateur, de raconter sa propre version de l’histoire des Stooges, mais de laisser Iggy et les autres membres du groupe nous conter leur aventure artistique. Il n’est ici question que de la carrière du groupe, le parcours solo d’Iggy n’étant pas évoqué. Sa prestation à l’écran est parfaite ; la narration croise anecdotes savoureuses, mises en perspective et rigueur historique. La créativité de Jarmusch s’exprime plutôt dans la mise en image du récit. Il se trouvait pourtant face à une difficulté : le peu d’images d’archives concernant le groupe et la quasi absence de captations de concerts. Cet écueil est habilement compensé par un montage virtuose évoquant le mode de vie américain et les tensions politiques contemporaines du parcours des Stooges. Quelques animations bricolées et une bande sonore évidemment rock’n’roll glacent le gâteau. La mission a été impeccablement accomplie : le film est sans temps morts, pointu, touchant et authentique. Le fan est comblé, on passe un Real Cool Time !
© LES FICHES DU CINEMA 2017
