Ce qu'il reste de la folie (2015) Joris Lachaise

Pays de productionFrance ; Sénégal
Sortie en France22 juin 2016
Procédé image35 mm - Couleur
Durée90 mn
>> Rechercher "Ce qu'il reste de la folie" dans le catalogue Ciné-Ressources
imprimer

Générique technique

RéalisateurJoris Lachaise
ScénaristeJoris Lachaise
Société de production KS Vision (Paris)
Société de production Babel XIII (Marseille)
ProducteurJean-Pierre Krief
ProducteurAnne-Sophie Popon
ProducteurJoris Lachaise
Distributeur d'origine ED Distribution (Paris)
CadreurJoris Lachaise
Ingénieur du sonRassoul Khari Sow
MonteurJoris Lachaise
MonteurBertrand Wolff

générique artistique

Bibliographie

Synopsis

Nourri à l’anticolonialisme du tiers-mondiste Frantz Fanon, en désaccord avec le cinéma de Jean Rouch des années 1950 (il le rencontra en 1999), Joris Lachaise est un documentariste engagé, qui n’oublie pas qu’il est titulaire d’une maîtrise de philosophie. C’est encore le cas avec ce troublant Ce qu’il reste de la folie, filmé dans l’hôpital psychiatrique de Thiaroye, près de Dakar, au Sénégal, entre 2011 et 2014, où l’on retrouve la cinéaste Khady Sylla, soignée durant 18 ans pour troubles bipolaires et décédée d’un cancer le 8 octobre 2013, à l’âge de 50 ans. Alternant très gros plans et plans d’ensemble, opposant les couleurs chaudes des lieux extérieurs à la lumière blanche de l’hôpital, volontairement surexposée, comme pour effacer tout repère, sans aucun commentaire sinon ceux liés à l’ambiance (échanges médecins/patients, monologues "délirants" ou confidences raisonnées des malades), Joris Lachaise questionne la maladie mentale et sa relation avec la culture (l’acculture ?) amenée par la colonisation. Dans ce pays où l’on croit aux rabs (démons) tout en étudiant comme les Blancs, qui parle juste, entre le malade expliquant qu’il a des maux dans les oreilles et le Dr Sara, qui traduit par "Tu entends des voix ?" Ou le même homme confiant qu’il "sentait sur (lui) des odeurs de pourri", déclaration également reformulée par Sara ("Tu émanais de mauvaises odeurs ?"). Au discours rationnel s’opposent les impressionnantes et déstabilisantes séances d’exorcisme des médecins "traditionnels", pour qui les "maladies mystiques" ne sont pas soignables par la médecine occidentale. Au fil des images, la binarité traditionnel/occidental s’efface au bénéfice d’un ternaire tout en nuances. Nos codes s’effacent, nos certitudes s’effritent. Ainsi voit-on un psychiatre défendre les guérisseurs et une malade recourir à la médecine chimique, puisque c’est l’Occident qui l’a rendue malade, via l’urbanisation - en conséquence de quoi l’Occident doit détenir le remède... Un autre expose avec une logique ahurissante les raisons qui l’ont poussé à égorger sa mère, car sa famille avait déréglé son cerveau en le plaçant sous psychotropes, avant de l’en sevrer. Un autre encore se livre à un incroyable soliloque contre la haine au nom de la raison... Refrain ironique et distancié, apparaît régulièrement, dans une cour remplie d’objets agencés tel un élément de décor théâtral, la silhouette hiératique, barbue, une pipe de bois sculptée vissée à la lippe, de Joe Ouakam, figure emblématique du mouvement Agit-Art, adversaire de la notion de négritude de Senghor, et dont le travail joue avec la notion de folie. Et le poète Thirno Seydou Sall, lui-même ancien interné psychiatrique, auteur du poème La Maison des fous. En fin de compte, se dégage la vision d’une Afrique contemporaine forte de ses traditions mais aussi en pleine mutation post-coloniale, riche autant que malade de ses contradictions et complémentarités. Ce qu’évoque admirablement la phrase de l’écrivain sénégalais Cheikh Hamidou Khan, citée à la fin du film : "Il n’y a pas une tête lucide entre les deux termes d’un choix. Il y a une nature étrange, en détresse de ne pas être deux".
© LES FICHES DU CINEMA 2016
Logo

Exploitation

Tournage

Lieux de tournage