Synopsis
En partant bivouaquer dans un endroit reculé des Alpes, dans un des lieux qui a bercé sa jeunesse, une vallée entre des falaises (dont il taira le nom), et où se dresse une forêt, Jean-Michel Bertrand n’a qu’une idée en tête : rencontrer le loup dans son milieu naturel, chose rarissime en France. Un matin, après une nuit orageuse et des premiers jours compliqués, il aperçoit au loin un loup qui l’observe. De cette vision stupéfiante, Jean-Michel Bertrand conçoit l’objet d’une véritable mission, dont il serait le porte-drapeau. Bien que la forme documentaire paraisse immédiate et évidente, le développement de La Vallée des loups surprend par sa nature quasi-fictionnelle : doutes, rebondissements, temps forts et temps faibles structurent ce film de recherche. Et si cette idée de développer un film autour de la rencontre entre l’homme et l’animal peut rappeler le Grizzly Man d’Herzog, retour morbide sur un homme s’approchant au plus près des ours d’Alaska jusqu’à y perdre la vie, Jean-Michel Bertrand se place d’entrée dans une autre catégorie, beaucoup plus didactique : La Vallée des loups est un film sur la découverte d’un monde plus enchanteur qu’impitoyable (il appelle lui-même le lieu qui l’entoure « la forêt magique »). En jouant clairement sur l’éducation, voire la sensibilisation par l’image, il s’adresse à un public tout autre que celui d’Herzog, mais perd en cela une part de mystère. Car ce qui gêne, tout au long de La Vallée des loups, c’est ce didactisme qui, malgré ses intentions louables, en se faisant systématique devient rédhibitoire. À chaque instant, Jean-Michel Bertrand s’adresse à nous, que ce soit en voix off ou sur le terrain, rompant l’illusion de sa solitude : cette quête du sauvage, de l’inhabité, devenant impénétrable pour le spectateur. Le plus embêtant dans ce système de description automatique des actions filmées, c’est la platitude de son discours, relevant davantage de la paraphrase pour enfants que du commentaire ludique. Par ailleurs, l’hyper-connexion du voyageur, celle-là même qui aide Jean-Michel Bertrand dans sa quête du loup (caméras embarquées, accrochées à des arbres, équipées de détecteurs de mouvements et de vision nocturne ; MacBook, iPod, smartphones...), finit par agacer : loin d’une véritable immersion dans la nature, on vadrouille ici en touriste. Didactique et connecté, Jean-Michel Bertrand n’est pas le Timothy Treadwell français. Loin du show-man de Grizzly Man touchant les ours à main nues, notre explorateur maison se contente d’observer. Cette limite, naturellement liée à la nature du loup (créature nocturne, discrète et plutôt craintive) aboutit à un film d’observation, où règne le « montage interdit » d’André Bazin. Ladite rencontre entre Jean-Michel Bertrand et le loup n’a alors lieu qu’en salle de montage, par la magie de la coupe et l’illusion du champ-contrechamp ; de toute évidence, l’auteur souhaitait filmer le loup plus que le voir, comme si seul le film auquel on assiste comptait, plus que la rencontre entre un homme et une bête mythique.
© LES FICHES DU CINEMA 2017
