Synopsis
L’Empereur nous revient et avec lui l’émotion, la tendresse et un étonnant vertige anthropomorphique. Depuis 2005, date de sortie du premier opus de Luc Jacquet, le matériel technique a beaucoup évolué, permettant ici des images d’une stupéfiante beauté (vidéo à 360°, son plus immersif). L’équipe de plongeurs, menée par un spécialiste de la photographie sous-marine, a ainsi réalisé une première mondiale en faisant une série de plongées à 70 mètres dans l’océan Antarctique à -1,8°C. Les prises de vues sous-marines sont, de fait, proprement bluffantes. Elles rendent pleinement justice à l’émouvante splendeur de l’Antarctique tant sur que sous la glace, et un hommage appuyé à la grâce retrouvée de l’empereur. Car, sous l’eau, son véritable élément, il fuse, s’élance, tournoie, sinue, aussi souple que, sur terre, il est emprunté jusqu’au comique. Guidés par la belle voix de Lambert Wilson, nous suivons le destin de l’un d’entre eux dans la ronde infinie et instinctive de la perpétuation de son espèce. Dès sa sortie de l’eau (où il passe les quatre premières années de sa vie, parcourant plusieurs milliers de kilomètres), il rejoint la cohorte de ses congénères qui s’étire en un long et dandinant ruban noir sur la glace bleue d’en être blanche. Il s’en va rallier la manchotière qui se trouve parfois à plusieurs centaines de kilomètres de l’océan. Piètre marcheur (0,5 km/h en moyenne) mais très endurant, il se laisse parfois tomber sur le ventre pour aller plus vite, se propulsant avec ses pattes et ses ailerons. Une fois arrivé, la parade commence et les couples se forment à l’issue d’un incroyable pas-de-deux. Quelques jours après l’accouplement, la femelle pond un oeuf puis, épuisée, le passe au mâle avant de s’en aller rejoindre l’océan pour se nourrir. Pendant son absence (qui peut durer plus de trois mois), c’est le mâle qui couve l’oeuf et le protège du froid sans bouger, sans faillir, sans se nourrir, attendant, éperdu, sa femelle. Jacquet dit avoir eu, ici, un regard plus apaisé et disponible que sur La Marche de l’empereur. Mais sa fascination est intacte, et il nous en fait cadeau. Il continue à voir les empereurs comme des sentinelles qui, en plein hiver austral, sont le poste le plus avancé de la vie car, au-delà de leur colonie, il n’y a plus qu’un continent battu par des vents glacés parmi les plus violents de la planète. Pour survivre dans ces conditions hostiles, ces vieux sages se sont détachés de tout superflu et savent garder vive l’incroyable cohésion du groupe pour que tous, en un mouvement tournant, puissent se réchauffer à sa chaleur. Une vraie leçon de choses ! Le cinéaste continue de creuser le sillon d’un cinéma citoyen et responsable, porteur d’un discours pédagogique et divertissant. Il sait rendre un hommage appuyé à un animal délicieux, un frère en « humanité », tendre avec ses pairs, protecteur avec son petit, responsable de son groupe, courageux face aux éléments, obstiné dans son être. C’est enfin un merveilleux médiateur pour attirer l’attention sur l’Antarctique et la Terre-Adélie, morceau de France du bout du monde où l’extraordinaire biodiversité terrestre et sous-marine en fait l’un des plus beaux écosystèmes au monde, mais aussi des plus fragilisés.
© LES FICHES DU CINEMA 2017