Synopsis
Sozdar s’adresse à la caméra. Son visage, bruni par le soleil, manque de cicatrices. Elle en voudrait davantage, de plus voyantes, qui témoignent de son engagement pour la cause. Nous sommes en août 2014, au Kurdistan. Sozdar fait partie de ces femmes, souvent très jeunes - certaines semblent à peine sortir de l’adolescence - qui ont rejoint les groupes armés révolutionnaires du PKK (le Parti des travailleurs kurdes) luttant contre les attaques des Iraniens, des Turcs et surtout de Daech. Terre de roses les suit depuis leur camp d’entraînement, dans les montagnes, au croisement des quatre territoires kurdes. Cachées dans la nature, les femmes partagent leur temps entre l’entraînement militaire, semblable à celui des hommes, et les activités quotidiennes : toilette, cuisine, entretien du potager, etc. Parfois, elles rejoignent les hommes pour des réunions durant lesquelles tous échangent sur le rôle de leur armée de guérilleros et rappellent leur dévotion au leader Apo (le fondateur du PKK, condamné à la perpétuité, qui fut longtemps le seul détenu de l’île-prison d’Imrali, en Turquie). On y rappelle aussi l’importance de la formation, de l’éducation - la défense du modèle marxiste anticapitaliste -, quand de nombreuses recrues rêvent de partir rapidement au combat. La force du documentaire de Zaynê Akyol, c’est de donner un visage à la résistance kurde, en montrant le quotidien de ces femmes sans fard. On y parle aussi bien de la différence entre les modèles de bombes (la russe, la plus efficace, se morcelle, mais les bombes iraniennes et américaines sont plus rapides...) que des bienfaits des orties sur la santé des cheveux, on plaisante avant d’évoquer le départ pour le front. Les femmes racontent leur amour pour leurs armes, ces fameuses kalachnikov venues de Russie (elles ont alors des lettres) ou de Hongrie (avec des chiffres) auxquelles elles donnent chacune un petit nom. On s’entraîne à les charger correctement mais on met le même soin à mettre son foulard fantaisie. Sozdar se confie à la caméra comme à un journal intime, elle en fait son testament. Rojen, 23 ans, raconte comment elle a quitté sa famille deux ans plus tôt, sans avoir le courage de faire ses adieux à sa mère ou à sa petite soeur Gûlistan. Comme un symbole, le film sort un 8 mars, Journée de la femme. Et Terre de roses est, forcément, un film profondément féministe. Les maquisardes kurdes se battent pour ne pas devenir les esclaves de Daech ou les femmes soumises des Iraniens, elles prennent les armes pour défendre leur pays parce qu’elles savent que les envahisseurs ne leur accorderont jamais les droits auxquels elles prétendent, qui sont les mêmes que ceux des hommes : être libre et recevoir une éducation. L’une d’elles raconte comment, dans un village, quarante femmes ont préféré se jeter d’une falaise plutôt que de finir aux mains du groupe État islamique. Les soldates partiront pour le front, à Sinjar, où le PKK s’est allié aux peshmergas pour combattre Daech. Plusieurs ne reviendront pas. Rappelons que le PKK est toujours considéré en Occident - et notamment en UE - comme une organisation terroriste.
© LES FICHES DU CINEMA 2017
