Synopsis
Le film démarre avec le récit, par plusieurs personnalités du cinéma et de la critique, d’une projection exceptionnelle qui tourna au cauchemar, un soir de janvier 2012. Cet événement organisé par le collectionneur américain Edgar A. Wallace entre les murs du musée Grévin avait pour objectif de dévoiler, à un public averti et trié sur le volet, un film inédit et retrouvé depuis peu : La Rage du démon. Quand, soudain, l’ensemble des spectateurs sombre dans une crise de folie, la soirée est interrompue pour laisser chacun reprendre ses esprits et tenter de comprendre ce qui vient de se passer. Alexandre Aja, Philippe Rouyer ou encore Christophe Gans : toutes les personnes présentes à cette projection sont persuadées d’avoir vécu quelque chose d’inexplicable et témoignent de leur impuissance face à ce phénomène dont elles ont été victimes. Le documentaire se transforme alors en une véritable enquête sur La Rage du démon, qui semble être l’objet du crime. En s’appuyant sur les interventions d’historiens du cinéma et de spécialistes de la presse ancienne, le film prend des allures d’émission télévisée. D’après des indices discutables mais pertinents, La Rage du démon ne serait autre que l’oeuvre de Georges Méliès. En se penchant sur la carrière de prestidigitateur de l’illustre pionnier du cinéma, certains experts évoquent même l’idée que ce soit Victor Sicarius, un élève de Méliès et amateur de morbide, qui ait réalisé le film. Images d’archives et démonstrations rocambolesques à l’appui, les intervenants pensent à une malédiction. Si toute cette théorie est particulièrement attrayante, elle est pourtant inventée de bout en bout. Car La Rage du démon est un mockumentary, faux documentaire reprenant des éléments concrets afin d’en faire une fiction. Réalisateur de la série Dead Crossroads, Fabien Delage a tourné son « documenteur » en 2015, avant de se lancer dans son premier long métrage, Cold Ground. Également scénariste, Delage signe ici un véritable plaidoyer pour la magie du cinéma, et un hommage aux toutes premières oeuvres cinématographiques. En se cachant derrière cette fausse enquête, le film transporte le spectateur vers les origines du 7e art, de manière totalement décalée et ludique. L’évocation de la prestidigitation, source inépuisable d’inspiration et de création pour George Méliès, fait souffler un vent de mystère sur le sujet, ce qui le rend captivant. Qu’importent les digressions farfelues à propos d’un Sicarius imaginaire, d’une malédiction liée au meurtre d’une jeune actrice ou d’une explication scientifique liée à un gaz hallucinogène présent sur la pellicule et qui s’échapperait au moment de la projection : la trame fonctionne. Elle s’inspire d’ailleurs de celle d’un autre « documenteur », Forgotten Silver, réalisé en 1995 par Peter Jackson et Costa Botes. Bien que certains intervenants soient peu à l’aise avec le mensonge qu’ils défendent - la récitation pure et simple de leur texte les trahit, et fait sortir le spectateur de l’histoire -, La Rage du démon a le mérite de remettre sur les rails un genre peu développé en France, de façon parfois maladroite mais sincère et pertinente.
© LES FICHES DU CINEMA 2017