Synopsis
Avec N’importe qui, François Bégaudeau tente de cerner les contours du fonctionnement démocratique dans ce qu’il a de plus concret. Il est allé à la rencontre d’habitants d’une ville de Mayenne, les interrogeant sur leur rapport au politique, sur leurs attentes et leurs déceptions en tant que citoyens. François Bégaudeau n’obtient rien des passants à qui il demande, à l’occasion d’un bref micro-trottoir raté, s’ils se sentent représentés. L’auteur passe ensuite au dispositif qui constituera l’essentiel du documentaire : l’interlocuteur choisi commence par filmer ce qu’il veut pendant une minute, en commentant en voix off, puis François Bégaudeau s’entretient avec lui. Un ado, un jeune père, une journaliste, un maire... Il ne s’agit pas d’un panel représentatif, mais simplement d’un choix d’acteurs de la vie politique d’une petite commune. Tout n’est pas passionnant. Pas mal de clichés : ainsi évoque-t-on la « caste » politicienne, l’ »oligarchie ploutocratique », ou encore la paix et la solidarité comme fondements de l’Europe, ainsi que la nécessité de « revenir sur certains acquis sociaux »... Que les participants soient de gauche ou de droite, l’intérêt de leurs réponses réside avant tout dans leur expérience personnelle, bien plus que dans leurs « idées ». Ainsi ce jeune homme qui déchanta lorsqu’assistant à une formation pour jeunes élus, il comprit qu’il s’agissait en réalité de tambouille politicienne, le « formateur » d’Europe Ecologie-Les Verts n’étant là que pour s’assurer que ses poulains, une fois maires, voteraient pour lui aux sénatoriales. Intéressant aussi d’entendre cette femme raconter avec quel mépris on allait à la « chasse aux femmes » en vue des élections, pour cause de loi sur la parité... Édifiant également, le récit de ce paysan révolté par l’installation d’une usine chimique extrêmement polluante en dépit du référendum où le « non » l’emporta, référendum « consultatif » que le maire décida donc de ne pas respecter. Ce sont à ces moments de vérité sur le fonctionnement démocratique réel que s’attache François Bégaudeau. Quelques interventions fictionnelles plutôt maladroites ponctuent le film, notamment cette scène ou un grand adolescent joue un Premier ministre qui décide de mettre en place la représentation par tirage au sort. Le meilleur moment reste cette belle séquence finale du « conseil de classe » dans une école certainement inspirée par le mouvement Freinet. Il y a des CE1, des CE2, des CM1, des CM2, deux enfants qui président, un ordre du jour et des débats plutôt ardus : que proposer à Malvina qui en a marre que Maeva lui demande toujours de travailler avec elle ? Comment organiser un championnat de foot et basket à la grande récré ? La qualité d’écoute et d’expression des enfants est tout bonnement ahurissante. La densité de ce dernier moment rend d’autant plus fragile ce qui a précédé : on aurait aimé aller plus au fond des choses, plus en détails et avec plus d’intervenants. Le film est intéressant, mais pas assez resserré et formellement pas assez travaillé. On a un peu le sentiment de voir le brouillon prometteur d’un film en devenir.
© LES FICHES DU CINEMA 2017
Réalisateur