Synopsis
Voici encore quelques années, le film d’entreprise pouvait représenter, aux yeux de cinéastes plus ou moins professionnels, si ce n’est un pis-aller artistique, une source de revenus. On peut imaginer qu’il en va de même aujourd’hui, mais que le spectre s’est étendu de l’entreprise au monde associatif, et jusqu’aux initiatives humanitaires. Que la motivation a mué de la survie artistique au credo, sincère il faut l’espérer, en termes de solidarité, d’entraide, de bienveillance partagée. Kombissiri, en quelque sorte, en fait foi. C’est qu’il en faut, de la foi, pour mettre sur pied une course cycliste au Burkina Faso : L’Étoile de Ouaga, épreuve vouée d’une part à rendre visible ceux que le handicap - la cécité en l’occurrence - isole, et de l’autre, à aider les voyants à mieux voir, à voir enfin, qui les entoure et dans quelles conditions. Il en résulte une épopée humanitaire faite d’adversités surmontées, de rencontres naturellement chaleureuses, de hasards qui se révèlent favorables... Hasards dont la rencontre avec Oumar, enfant burkinabé aveugle, constituera l’acmé, et l’opération à l’Hôpital des Quinze-Vingt destinée à lui rendre la vue, le challenge, opération rendue possible grâce au concours d’une école communale d’Alsace. Si le beau peut naître de la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie, Kombissiri est né, lui, de la rencontre, tout aussi inopinée, de Gérard Muller, passionné de vélo ayant perdu la vue dans la force de l’âge et rompu aux défis hors-norme - notamment un trajet Londres-Pékin réalisé en tandem et, plus récemment, une traversée du lac Baïkal en compagnie d’un groupe d’aveugles -, de René Letzgus, documentariste (Une équipe de rêve, 2006 ; Nina Simone Love Sorceress... Forever, 2013) et militant cyclopédiste, et du tout jeune Oumar. Il y a donc là, c’est entendu, une aventure humaine, nourrie d’une exigence quasi quotidienne de courage, d’opiniâtreté et d’endurance. Mais un film ? Voilà qui, de toute évidence, est moins sûr. Si l’existence d’un film s’adosse aux mêmes exigences, Kombissiri répond, comment en douter, à une nécessité dont le tout premier aliment n’est pas exactement le cinéma, l’écriture ou la création cinématographique : là n’est pas son ambition. Trop souvent illustratif - son commentaire, dit par Philippe Torreton, l’est tout autant -, le film s’emploie davantage à promouvoir la généreuse opération qui en est le prétexte qu’à regarder autrement que de manière assez convenue un pays, une population, un contexte politique, sociologique ou historique et géographique, c’est selon, pour rester un petit monument d’autosatisfaction heureuse érigée à la gloire des qualités, déjà citées, des promoteurs de la course et du marathon que représente l’opération d’Oumar. On objectera que l’entreprise est sympathique, qu’elle est le fruit d’une empathie (d’époque) dont on aimerait mesurer plus souvent les effets, bref qu’avec des gens de cette trempe le monde ne s’en porterait que mieux. Le monde, admettons. Le cinéma, c’est déjà moins certain.
© LES FICHES DU CINEMA 2017