Synopsis
Quatre lettres peuvent suffire à évoquer des sommets de plaisir. Noma, c’est le temple de la gastronomie mondiale. L’Olympe de la bouche, le saint palais des fins palais. Sis à Copenhague, capitale du royaume du Danemark, l’endroit a été élu à quatre reprises meilleur restaurant du monde. Un lieu où la créativité est souveraine, où le défi est quotidien et où la quête de perfection ne connaît aucun répit, aucune limite. Le challenge que le chef René Redzepi, à qui l’adresse doit sa réputation, a décidé de relever en 2015 est à la hauteur de son talent : immense. Il s’agira d’installer son équipe - sa brigade, comme on dit - dans le Mandarin Oriental, un hôtel de luxe de Tokyo. Deux mois durant, ses marmitons « lost in translation » au Japon sont invités à sortir de leur cadre de vie, de se débarrasser de leurs habitudes professionnelles - un paradoxe quand, comme à Noma, on ne cesse de réinventer. Objectif : servir une nouvelle fois la meilleure cuisine du monde en déclinant un menu autour de quatorze propositions gastronomiques plus inédites et plus dingues les unes que les autres. « Noma au Japon : qu’est-ce que c’est ? Je ne sais pas encore », confie le chef. Le documentaire qui raconte cette incroyable expérience est signé du Néerlandais Maurice Dekkers. Et il est réussi à moult égards, d’abord parce qu’en plus de donner à voir les coulisses de cette délocalisation - qui pour certains prend des allures de déracinement -, il donne à entendre, à sentir, à goûter, presque à toucher... L’expérience synesthésique est totale. Et le plaisir du gourmet est à son comble quand la caméra filme la cueillette des herbes et des branchages, la découpe d’agrumes et de légumes introuvables en Europe, ainsi que la passion de ces soldats du goût. Le spectateur avide de nouveaux horizons gustatifs salive à la simple évocation d’ingrédients aussi étranges que le sel de fourmi et la tortue, classique de la gastronomie nippone. Ensuite parce que son montage, qui reprend peu ou prou la narration à suspense d’un thriller, est d’une grande intelligence : on commence par le climax de tension que constitue la première ouverture du restaurant pour revenir quelques semaines en arrière. Le mystère se désépaissit comme se délie une sauce. Officier, pour René Redzepi, c’est éprouver une pression irréelle, une obsession pour l’exploration et la recherche d’absolu. L’homme est un expert doublé d’un manager hors pair, mais sans être un tyran. D’ailleurs, le film n’est en aucun cas un panégyrique aveugle et complaisant du bon roi René. Car il est aussi et surtout un immense talent capable de déceler une émotion dans une bouchée. « Cette herbe a le goût d’une personne insistante », l’entend-on dire. Gare à celui qui se contente d’adapter une recette de Noma Copenhague à Noma Tokyo. René Redzepi exige le meilleur du meilleur. Ses employés ne s’en plaignent pas, ils l’ont intégré, tout dévoués à leur art qu’ils sont. Le final, qui dévoile le menu, est sans appel : crevette vivante, huile d’algues, foie de lotte, tarte aux palourdes, bouillon de fleurs de cerisier... L’extase est au rendez-vous. Noma au Japon se savoure sans aucune modération.
© LES FICHES DU CINEMA 2017
