Synopsis
Deuxième documentaire de Jean-Pierre Pozzi (Ce n’est qu’un début, 2010), Macadam popcorn part à la rencontre des exploitants de salles de cinéma indépendantes françaises. Comme le souligne Luigi Magri, directeur du Jacques-Tati à Tremblay-en-France, l’origine latine du mot « exploitant » signifie « mettre en valeur ». Or, si aujourd’hui le terme peut avoir une connotation négative (dans la mesure où l’exploitation évoque l’extraction abusive de quelque chose), son étymologie qualifie parfaitement leur travail. Disciples des salles de cinéma depuis toujours, ils ont pour vocation de pérenniser cette expérience à la fois individuelle et collective. Sous la forme d’un road-trip (des Cévennes jusqu’en Normandie, en passant par Paris et la Bretagne), Pozzi évite le catalogage de ces diverses rencontres en collaborant avec Mathieu Sapin, dessinateur de bande-dessinée (Feuille de chou - Journal d’un tournage, un making of du Gainsbourg, vie héroïque de Joann Sfar), lequel s’impose comme médiateur. Tandis que Pozzi cadre et dirige, Sapin dialogue avec les exploitants en même temps qu’il les dessine. Si, de prime abord, cette conjonction du documentaire et de la bande-dessinée peut sembler hasardeuse, elle fonctionne étonnamment bien. Flirtant avec le docu-fiction, Macadam popcorn évite un format trop académique en laissant une place à de petits interludes dessinés (de temps à autre, les dessins animés viennent s’incorporer dans des prises de vues réelles). Questionnant les enjeux qu’implique leur métier, en évoquant notamment leur rapport au numérique et par conséquent leurs souvenirs liés à la pratique du projecteur (si la plupart sont nostalgiques de ce procédé, l’un d’entre eux ne regrette cependant pas ses mains constamment noircies à cause de l’huile), ces exploitants parlent de leur profession avec enthousiasme et simplicité : qu’il s’agisse de Michèle Berrebi, directrice du Capitole à Uzès qui, au départ, ne connaissait rien au métier, mais qui réussit toutefois à empêcher la fermeture du cinéma grâce à une manifestation rassemblant 300 personnes, ou de David Henochsberg, directeur du groupe Étoile-Cinémas et initiateur, en 2012, de l’ouverture du complexe Étoile Lilas, désireux d’installer un cinéma de quartier au bord du Boulevard périphérique, tous témoignent de leur volonté à maintenir ces lieux de convivialité et de partage, lesquels sont intimement liés aux souvenirs personnels de chacun (entre autres, les premiers flirts adolescents). Choisissant minutieusement leurs programmations (Patrick Guivarc’h, directeur de l’Utopia à Avignon, affirme qu’une « programmation, ça se fait par les films qu’on diffuse, mais aussi par des films qu’on refuse de diffuser »), ces exploitants, petits ou grands, cherchent à transmettre leur amour du cinéma à un public qui n’est pas forcément cinéphile. Plus que tout, Macadam popcorn rappelle notre chance d’avoir, en France, autant de salles, et ce même dans les plus petites villes de province, quitte à ce qu’elles s’improvisent dans des cinémas itinérants, comme celui de Saint-Martin-de-Lansuscle, tout en haut des montagnes.
© LES FICHES DU CINEMA 2017
