Synopsis
Tout amateur de téléréalité qui se respecte sait que le monde de la cuisine est essentiellement masculin. Les plus grands noms de la gastronomie sont des hommes et seule Hélène Darroze a réussi à faira sa place aux côtés des Bocuse, Troisgros et autres Robuchon. Vérane Frédiani part d’un constat simple (et hélas trivialement amené, à l’aide d’une vidéo présentant les résultats d’un moteur de recherche dont nous tairons le nom ici), celui selon lequel tous les palmarès mondiaux de la gastronomie sont monopolisés par des hommes. La voix off de la réalisatrice, parcimonieuse mais présente tout au long du film, se propose alors de répondre à la question de la sous-représentation des femmes dans le monde de la cuisine professionnelle. Pas de doute, le ton est ouvertement féministe et les questions globalement orientées, ce qui offre certains propos intéressants, lesquels finissent par imposer le constat suivant : le monde de la cuisine est historiquement, culturellement et hermétiquement masculin, comme en témoigne Franck Pinay-Rabaroust, qui évoque notamment le lien entre la franc-maçonnerie et la gastronomie. Il apparaît cependant que les femmes chefs présentées ici ne cherchent pas particulièrement à promouvoir une cuisine féminine - ou féministe -, ni à créer des réseaux de femmes comparables à ceux mis en place par les hommes. Ce sont donc davantage des portraits de femmes passionnées qui nous sont proposés ici que ceux de féministes pur jus, motivées par l’envie d’en découdre. À l’inverse, si l’homme tant décrié est un tant soit peu représenté dans le film, ici sous la forme du cliché d’un barbu tatoué en Une d’un célèbre magazine américain, là sous celle d’un invisible Bocuse (dont on apprend que sa misogynie n’était rien comparée à la jalousie de sa femme), qui brille surtout par son absence. La parole est donc donnée aux femmes, celles qui réussissent et celles qui se battent. La seconde partie du documentaire glisse vers un assemblage de témoignages de femmes du monde, illustrant l’idée que le poids de la culture et de la tradition sont un frein à la visibilité des femmes, où qu’elles se trouvent et quel que soit leur domaine d’activité. Cependant, dans cette partie du film, les propos sont moins développés, les portraits plus courts et les images plus fugaces. On aurait aimé que l’évocation d’un projet d’insertion par la cuisine en Bolivie, incarné par la cheffe danoise Kamilla Seidler, soit plus fouillée, ou que l’initiative du Ruban Bleu, un institut d’arts culinaires parisien qui donne la part belle aux femmes, soit plus détaillée. Partant d’une question assez précise (qui finit par n’être qu’un fil rouge un peu artificiel), le film étend son sujet de façon trop ample, ce qui le condamne à une certaine superficialité. La question des différences entre les manières masculines et féminines d’aborder la composition des plats, ou celui de l’approche olfactive d’Anne-Sophie Pic, étaient déjà des sujets de films à eux seuls.
© LES FICHES DU CINEMA 2017
