Synopsis
Après avoir filmé, dans ses deux précédents documentaires, des maisons de correction pour jeunes mineurs délinquants de sexe masculin, le réalisateur iranien Mehrdad Oskouei s’intéresse cette fois à un centre de détention et de réhabilitation pour jeunes adolescentes, situé à Téhéran. Pendant plusieurs mois, le cinéaste a suivi de près le quotidien d’une dizaine de détenues, avec une proximité variant évidemment selon le degré de confiance envers lui, et l’envie d’être filmées, des mineures. Mais l’implication du cinéaste dans son sujet, les difficultés qu’il a rencontrées afin d’obtenir le droit de faire ce film (en gestation depuis 2006) et les liens qu’il a donc eu le temps de tisser, aussi bien avec les détenues qu’avec le personnel du centre, lui ont permis de trouver une place juste au sein du groupe. Grâce à une structure très classique faite d’alternance entre des interviews face caméra et des scènes de la vie quotidienne, Des rêves sans étoiles évite les écueils du drame larmoyant et du pamphlet politique. Être présent auprès de ces jeunes adolescentes, et les rendre présentes à nous, spectateurs : voilà le travail méticuleux et patient auquel s’est livré Mehrdad Oskouei. Que la raison de leur emprisonnement soit le vagabondage, le vol, la prostitution, la détention de stupéfiants ou même le meurtre, les histoires des détenues semblent toutes être le fruit d’une cellule familiale démissionnaire et souvent violente. Mariage forcé, viol, coups... Rien ne semble avoir été épargné à ces jeunes filles dont les récits mettent en perspective leur responsabilité dans les crimes et délits qu’elles ont été amenées à commettre, en réaction à cette violence. Dans ce grand dortoir où elles cohabitent, ou dans la cour à laquelle elles ont accès, mille gestes d’amitié et de tendresse restaurent entre elles un peu de chaleur humaine: nettoyer un tapis, rejouer leurs histoires avec des marionnettes de théâtre, improviser des chansons, s’occuper du bébé de l’une d’elles, ou questionner l’imam venu prier à leurs côtés sur la place dominante de l’homme par rapport à la femme, sont autant d’occasions de faire corps, d’affirmer leur existence aux yeux d’un monde extérieur qui nie leur situation, voire leur existence. Car ce qui est sans doute le plus terrifiant dans le film, c’est de se rendre compte petit à petit que la plupart de ces adolescentes ne veulent pas retourner auprès d’une famille qui est bien souvent la cause de leurs dérapages et de leur mal-être. Parfois, à l’inverse, aucun membre de la famille ne souhaite venir les chercher pour les accueillir chez lui, or c’est une condition nécessaire de leur libération. La sentence est double. Mais ce monde extérieur inquiétant restera à distance : jamais la caméra du réalisateur ne quittera le centre pour partir à la quête d’une quelconque explication, ou pour tenter de dénouer les récits intimes - ce qui n’aurait pu se faire sans une inévitable dose de maladresse. « Je délimite la carte géographique de mes histoires », disait Wiseman de ses propres films. M. Oskouei en a visiblement pris bonne note.
© LES FICHES DU CINEMA 2017
Réalisateur