Synopsis
Né à la fin du mois de mars 2016, le mouvement Nuit Debout, imprévu, neuf, déroutant, a pu susciter aussi bien l’espoir que l’agacement. Trop libertaire, pas assez structuré, ou au contraire cohérent, novateur et porteur de changement, l’événement demeure rétif aux tentatives de bilan ou de réduction. Avec L’Assemblée, Mariana Otero s’est employée à documenter ce moment politique important. Sans voix off, avec une grande sobriété, la cinéaste capte des assemblées générales plus ou moins houleuses, des débats portant sur les modes d’expressions adéquats, des altercations avec les forces de l’ordre et les incontournables commissions. Innombrables, ces organes de réflexion sont au coeur de la complexité du mouvement. Commission grève générale, commission réfugiés, commission climat, commission relation avec les médias, commission constitution, commission logistique, commission économie politique, commission convergence des luttes, inter-commission, et surtout commission démocratie, qu’Otero a particulièrement choisi de suivre... Comment organiser un tel inventaire afin d’en tirer la substantifique moelle susceptible d’irriguer un collectif lui-même plus ou moins déterminé, changeant, aux contours flous ? À l’énergie des débuts succède bientôt une sorte de fatigue terrible face aux défis à relever. La documentariste ne perd rien des débats sans fin et des apories qu’ils pointent bien souvent. C’est au fond le véritable sujet du film : comment être et agir en véritables démocrates ? Comment dialoguer sans se violenter les uns les autres ? Comment organiser sans diriger ? Comment trancher tout en respectant toutes les opinions ? « On ne prend pas la parole. Nous ne sommes pas des détenteurs de parole, nous la transmettons », dit un participant. Méfions-nous du vote car « toute urne est funéraire », écrit une autre. Avec un tel niveau d’exigence éthique, comment construire des objectifs communs et les outils nécessaires pour les atteindre ? Le film a le mérite de poser en des termes actuels ces questions toujours aussi cruciales quant aux fins et moyens de la démocratie. On peut toutefois regretter le manque de hauteur du documentaire. Quid des liens avec le mouvement Occupy ? Quid de Nuit Debout dans les autres villes françaises ? Qui sont ces participants, de quels milieux viennent-ils, quelles sont leurs motivations ? Que retenir de ces milliers de discussions en petits ou grands comités ? Et pourquoi avoir totalement évacué l’aspect festif de Nuit Debout, pourtant bien présent ? On peut également critiquer le manque d’originalité formelle de l’ensemble. On est dans le reportage, pas dans le discours cinématographique. Pas d’envolée, de métaphore, de détails décalés, de contre-champs inattendus. Mariana Otero reste collée à son sujet sans prendre le temps de faire respirer son film. L’Assemblée fait le résumé d’un moment politique mais ne le fait pas résonner et ne le problématise pas. Elle passe aussi à côté du portrait de cette place de la République, personnage essentiel des événements, à la géographie mouvante et dont le visage changea au fil de ces jours. Le film, incontestablement intéressant, se révèle donc en définitive assez frustrant.
© LES FICHES DU CINEMA 2017
Réalisateur