Synopsis
Né à Montbrison en 1969, Christophe Agou s’installe en 1992 à New York pour photographier les Américains. Il procède par imprégnation progressive et ne prend ses photos « qu’au moment où il se sent entré en résonance intime avec eux ». Il pense que « la distance entre le photographe et son sujet ne devrait pas être plus grande que la longueur de son bras ». En 2004, son album en noir et blanc sur les usagers du métro, Life Below, est primé. Parallèlement, il revient, à partir de 2002, dans son pays natal. Il fréquente par intermittence, pendant huit ans, les précaires ruraux vivant dans le Forez, laissés-pour-compte de l’agriculture productiviste dans la France périphérique. Face au silence, son album publié en 2010 chez Actes Sud, est lui aussi primé. Il réalise également un diaporama éponyme pour le Jeu de Paume, repris en 2011 aux rencontres d’Arles, et présente Claudette, un court métrage. Pierre Vinour lui propose alors de réaliser un long. Pendant 4 ans, il fait des allers-retours entre New York et le Forez, retrouvant ceux qui sont devenus des amis : Claudette Pont, mais aussi Jean, Raymond, Christiane, Jean-Clément et Mathilde. Quand ils se quittent, ils se disent « Sans adieu ! », pour conjurer le sort, pour être sûrs de se revoir. D’autant que la plupart sont très vieux et que Christophe Agou est atteint d’un cancer. Le photographe découvre aussi ce qu’est un scénario et un montage... À partir des 120 heures de rushes, il propose un premier montage, peu avant sa mort en septembre 2015. Les producteurs terminent le montage validé par le cinéaste et recrutent Stuart A. Staples, des Tindersticks, pour composer la musique du film. La post-production est achevée pour le festival de Cannes 2017, où le film est présenté à l‘ACID. Seul film de son réalisateur, Sans adieu est aussi une oeuvre unique dans le cinéma français, une descente ethnographique dans le sous-prolétariat rural. Ce document, souvent sidérant, rappelle à ceux qui ont tendance à l’oublier que des Français vivent dans le dénuement, à un rythme plus lent que celui qui est imposé par la vie moderne, butant contre l’incompréhension bureaucratique. On n’est pas très loin du plateau de Millevaches, mais à l’exact opposé de la « ferme des 1 000 vaches » ! Chiens, vaches, chèvres, canards..., les animaux sont ici des compagnons de vie. Sans doute meilleur photographe que cinéaste, Christophe Agou filme à la façon d’un home movie, sans joliesse, sans distanciation, mais avec empathie. Au début, le spectateur est gêné par un certain voyeurisme, jusqu’à ce qu’il perçoive que le cinéaste respecte l’humanité et la dignité de ces « gens de peu » qui, du coup, deviennent des personnages attachants. On peut retenir l’image fulgurante de la mère de Mathilde, marchant sur la route avec ses bâtons, doublée par deux joggeurs. Quant à Claudette, la figure centrale du film, c’est une femme forte, bourrue, se démenant face à l’administration comme elle peut - mais avec toute sa tête - pour rester chez elle, préférant vivre chichement que de suivre les mirages publicitaires. Dans la dernière séquence, touchante, Claudette, déracinée dans sa nouvelle « maison moderne », n’est plus que l’ombre d’elle-même.
© LES FICHES DU CINEMA 2017
Réalisateur