Synopsis
Fondateur de la maison d’édition P.O.L, Paul Otchakovsky-Laurens, amoureux des lettres, l’est tout autant du grand écran. Loin des manuscrits et des BAT, il signe en 2007 son premier long métrage, le documentaire autobiographique Sablé-sur-Sarthe, Sarthe, incursion sensible dans son enfance marquée par un drame. Longtemps silencieux, maintenu sous la chape de plomb du secret de famille, Otchakovksy-Laurens parvient des années après à trouver le médium qui lui permet enfin de poser des mots sur ses blessures. Sur sa lancée, l’éditeur-réalisateur songe à se consacrer à un autre film, mais les mots, cette fois, sonnent faux. Il abandonne un temps le cinéma, retourne à ses lettres. Une pause longue de dix ans, durant laquelle le sujet d’Éditeur se structure à son insu. Avec le même recul nécessaire à l’écriture de son premier documentaire, Éditeur est une réminiscence du cheminement qui l’a amené à consacrer sa vie à la littérature. Comme une continuité du récit personnel entamé dans Sablé..., celle de l’enfant qui, faute de n’avoir pu s’exprimer, se serait attaché une fois adulte à faire entendre la voix des autres. Pas étonnant donc d’y retrouver la poupée, créée par la dramaturge Gisèle Vienne, qu’il utilisait déjà comme avatar dans son premier documentaire. Le défi d’Éditeur était double, trouver la forme adéquate pour parler de littérature au cinéma et ne pas tomber dans le piège du film de l’entre-soi. Concernant la forme, le documentaire déroule son propos comme un récit en train de s’écrire, tout en digression, au fil des ruptures narratives et du rythme impulsé par la voix off. Pour ce qui est de l’entre-soi, bien que l’éditeur ait fait intervenir des écrivains de sa maison, Paul Otchakovsky-Laurens s’efforce de mettre son parcours personnel au service d’une conversation plus large sur le processus d’écriture, sur la relation passionnelle entre éditeur et écrivain, pour offrir un regard de l’intérieur sur la pratique de ce métier, qu’il juge subjective. Sans s’appesantir donc sur une recherche de vérité illusoire, puisqu’elle n’est qu’une forme, une note synthétisant les différentes partitions composées par les écrivains qu’il a côtoyés. Lancé par sa rencontre avec Christian Bourgois, puis poursuivi chez Albin Michel, Flammarion, Hachette, avant de fonder P.O.L, son cheminement lui a permis de saisir toute la fragilité du positionnement de l’écrivain amené à confier à un tiers sa part la plus intime, et dans la majorité des cas, à accepter qu’elle soit refusée. Pendants de son discours, les saynettes d’écrivains apportant leur manuscrit matérialisent cette réalité. Cette aspirante auteure, entre autres, jouée par Jocelyne Desverchère, qui égrène les notes d’intention accompagnant les manuscrits, trips mégalomaniaques ou confessions touchantes, puis les commentaires enthousiastes, parfois acerbes de l’éditeur qui les a parcourus. Éditeur s’achève enfin sur les mots d’un poème de Vitez, « nos poèmes disent la vérité », récités par Antony Moreau jouant le rôle d’un écrivain refusé, ultime remise en question de la sacro-sainte parole de l’éditeur, seul décideur du devenir d’un texte. À peine plus d’un mois à peine après la sortie du film, le célèbre éditeur a perdu la vie dans un accident de voiture.
© LES FICHES DU CINEMA 2017
Réalisateur